Les bétons des bassins de la station d’épuration sont formulés pour pouvoir résister aux attaques chimiques des effluents en cours de traitement.

Construite en 1950, la station d’épuration de Breuil-le-Vert (Oise) s’est agrandie au fil du temps pour accompagner l’accroissement de population de la commune, avec une première extension d’ampleur en 1998. Mais pour anticiper la croissance démographique actuelle et à venir, et remplacer la capacité de traitement de la STEP voisine de Breuil-le-Sec, récemment fermée, le maître d’ouvrage, la communauté de communes du pays du Clermontois, a décidé d’entreprendre une seconde extension de la STEP de Breuil-le-Vert. 

Une troisième filière d’épuration, fonctionnant avec un traitement biologique par boues activées en aération prolongée, est ainsi construite, portant la capacité de la STEP de 22 000 équivalents-habitants (EH) à 35 500 EH. 

Sous la maîtrise d’œuvre d’Artelia Ville & Transport, le marché de réalisation des travaux a été remporté en novembre 2019 par un groupement constitué d’Eiffage Génie Civil et de deux filiales du groupe VINCI – SOGEA Nord Hydraulique (mandataire) et Actemium. 

Le programme du chantier de génie civil, d’une durée de 18 mois, comporte notamment la construction des trois bassins principaux en béton armé de la nouvelle filière : un bassin d’aération de 6 m de haut et 28 m de diamètre, un bassin clarificateur de 3,5 m de haut et 21 m de diamètre, et un silo de stockage des boues de 4,5 m de hauteur et 11,5 m de diamètre. 

Les voiles des bassins ont été réalisés à l’aide d’un outil coffrant circulaire fabriqué sur mesure. Les rayons de courbure de chacun des bassins étant différents, le coffrage était réglé pour épouser précisément les courbes.

Des pieux profonds pour s’affranchir de la tourbe

Après la démolition d’anciens équipements obsolètes présents sur le site, la première étape du chantier de Génie Civil a consisté à réaliser les fondations des ouvrages.

« La nature géologique du terrain – de la tourbe sur 7 m d’épaisseur – était particulièrement contraignante », explique Alain Dangleterre, directeur d’activités délégué Picardie pour Eiffage Génie Civil. « La présence de ce matériau non cohérent et non porteur nous a ainsi obligés à fonder sur pieux la totalité des ouvrages : non seulement les trois bassins, mais aussi les canalisations de transfert des effluents, les chambres de tirage et les regards. Pour aller chercher le sol suffisamment résistant – des alluvions anciennes –, nous avons été obligés de descendre les pieux jusqu’à 20 m de profondeur. »

144 pieux en béton à refoulement

Au total, 550 pieux ont été réalisés. « Sous les canalisations et les dalles de franchissement des camions, nous avons installé des pieux métalliques. Sous les bassins, là où nous avions besoin d’une grande capacité portante, nous avons mis en œuvre 144 pieux en béton », poursuit Mathieu Cordonnier, directeur des travaux pour Eiffage Génie Civil en Picardie.

Compte tenu de la faible cohérence des terrains rencontrés, c’est la technique des pieux à refoulement vissés moulés de type INSER © qui a été privilégiée. Il s’agit d’un pieu moulé dans le sol, réalisé à l’aide d’une tarière spécifique qui pénètre dans le sol par un effet de refoulement latéral du sol. « Contrairement aux techniques de pieux traditionnelles, le sol n’est pas extrait lors de la mise en œuvre, il est "poussé" et comprimé sur les côtés par l’outil », précise le directeur des travaux. 

Dans le détail, le principe de réalisation du pieu à refoulement est le suivant : le forage est d’abord effectué jusqu’à la profondeur finale à atteindre. Puis, le béton est pompé par l’âme centrale de l’outil tandis que l’outil est remonté : le béton occupe alors l’empreinte cylindrique laissée par l’outil tout au long du mouvement ascendant. « Les avantages principaux de ce procédé de fondations profondes sont au nombre de trois : la mise en œuvre est très rapide, il permet de ne pas surconsommer de béton, et la faible quantité de déblais produite limite les coûts d’évacuation », synthétise Alain Dangleterre.

Les radiers de chaque bassin ont été coulés en une fois. Ils sont fondés sur des pieux en béton de grande capacité portante, réalisés selon la technique du refoulement de type INSER ©
Les radiers de chaque bassin ont été coulés en une fois. Ils sont fondés sur des pieux en béton de grande capacité portante, réalisés selon la technique du refoulement de type INSER ©

Des voiles coulés par plots pour limiter le retrait et la fissuration

À la réalisation des pieux a succédé celle du génie civil des bassins. La première étape a consisté à couler les trois radiers, d’une épaisseur uniforme de 40 cm. « Les bétons des radiers ont été mis en œuvre en un seul coulage, par pompage, le plus important représentant un volume de 258 m3 », précise Jamel Bentayeb, chef de chantier pour Eiffage Génie Civil. 

Puis les voiles circulaires des bassins ont pu être réalisés : « Nous avons utilisé un unique outil coffrant circulaire fabriqué sur mesure. Il est cintrable et peut s’adapter à chacun des rayons de courbure des bassins, précise Mathieu Cordonnier. Nous aurions pu fabriquer un outil coffrant complet permettant de couler les voiles en une fois, mais nous aurions alors été confrontés à la problématique du retrait du béton sur un ouvrage monolithique, qui peut créer des fissures dommageables. » Pour limiter le retrait résiduel global de l’ouvrage et maîtriser le processus de fissuration, c’est le coulage par plots qui a été privilégié. « Cette méthodologie permet à chaque élément coulé en place de faire librement son premier retrait sur les 6 premiers jours. Celui-ci peut alors ensuite être compensé par le coulage du plot suivant », poursuit Mathieu Cordonnier. 

Assurer la parfaite étanchéité des bassins

Sur une STEP, l’exigence technique principale est d’assurer la parfaite étanchéité des ouvrages hydrauliques tels que les bassins. Plusieurs dispositifs ont ainsi été mis en œuvre à cet effet :

  • la liaison entre le radier et les voiles a été renforcée par une tôle d’acier galvanisé, disposée circulairement sur tout le tour du radier. « Cette tôle a pour fonction principale de constituer un obstacle à l’eau qui pourrait s’infiltrer à long terme à l’interface entre le radier et le voile périphérique, des microfissures pouvant apparaître au moment du retrait des bétons » ; 
  • les reprises de bétonnage verticales entre deux plots successifs de voiles ont quant à elles été traitées par la mise en place de bandes d’arrêt d’eau en PVC de type Waterstop ;
  • pour renforcer encore le niveau d’étanchéité, la totalité des reprises de bétonnage aux interfaces radiers/voiles et voiles/voiles est traitée par l’application de bandes d’étanchéité souples au micro-mortier ;
  • les trous laissés par les fourreaux de passage de tiges entre banches sont refermés à l’aide de bouchons formulés à base de mortier hydraulique d’étanchéité fibré. 

Outre la construction des trois bassins principaux, le marché de travaux comprend la transformation des anciens bassins historiques en bassins de stockage tampon en cas de forte pluie. Cette transformation consiste principalement en la réfection totale de leur étanchéité : après nettoyage, ponçage, piquetage des zones abîmées, l’ensemble de l’intrados en béton a ainsi été recouvert d’une résine époxydique d’étanchéité fibrée. 

Le ciment des bétons des bassins contient une faible proportion de clinker. Cette formulation, choisie pour satisfaire des critères d’abord techniques, donne une teinte claire et esthétique à l’ouvrage.

Des bétons résistants aux attaques chimiques

Les effluents qui circulent dans les différents bassins de la station d’épuration sont chargés de produits – nitrates, phosphates, sulfates... – chimiquement très agressifs. C’est pour cela que la totalité des bétons des bassins correspond à une classe de résistance C40/50, une classe d’exposition XA3 (agressivité chimique élevée) et intègre un ciment de type CEM III PM ES. « Contenant peu de clinker, ce ciment dispose d’une faible chaleur d’hydratation, ce qui permet de limiter la montée en température du béton lors de sa prise et améliore la maîtrise des risques d’apparition de désordres structurels (de type RSI) à terme, décrit Alain Dangleterre. La contrepartie technique est que sa prise est plus lente. En revanche, il dispose d’une teinte plus claire qu’un ciment classique, ce qui constitue un atout esthétique pour ces ouvrages exposés à la vue de tous. »

Les quelques 2 500 m3 de ce béton sont fournis par une centrale dédiée installée à Clermont, une centrale de secours à Beauvais ayant été prévue au cas où la première tomberait en panne. 


Pendant les travaux, la STEP reste en activité !

L’une des principales contraintes du chantier réside dans le fait que les deux files existantes de traitement des effluents de la STEP doivent continuer à fonctionner pendant les travaux. « Pour gérer cette co-activité, nous avons dû aménager le site de sorte que les flux logistiques du chantier et de la STEP ne se rencontrent pas », précise Alain Dangleterre. Outre un nouvel accès à la STEP réservé au chantier, cinq aires de croisement des camions, des signalisations de prévention, des chemins d’accès piétons avec protection et balisage de sécurité, et une réduction de la vitesse de circulation ont ainsi été mis en place.


Les multiples conséquences de la crise sanitaire

Le chantier a été impacté par les conséquences sanitaires de la pandémie de Covid-19 : « Nous devions initialement démarrer en mars 2020, explique Mathieu Cordonnier. Nous avons dû attendre la fin du premier confinement, soit le mois de juin, pour pouvoir attaquer ! ». Mais le Covid-19 a également eu des conséquences en termes de prévention, durant le chantier. « Afin de respecter le protocole sanitaire, nous avons dû redimensionner nos bases-vie : la surface des vestiaires et du réfectoire a été augmentée, du gel hydroalcoolique mis à disposition, et les points de contact étaient régulièrement nettoyés », poursuit Mathieu Cordonnier. 

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Fiche technique

Reportage photos : Eiffage Génie Civil – Région Nord ©

  • Maître d’ouvrage : communauté de communes du pays du Clermontois
  • Maître d’œuvre : Artelia Ville & Transport
  • Groupement d’entreprises : SOGEA Nord (mandataire, génie épuratoire), Eiffage Génie Civil (génie civil), Actemium (génie électrique & automatisme)
  • Fournisseur ciment et béton : Eqiom
  • Montant des travaux : 11,6 millions d’euros HT 
  • Durée globale des travaux : 18 mois à partir de juin 2020



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