Dès l’entrée, le vide et les planchers transparents offrent des perspectives sur tout l’intérieur de la maison où le béton scénographie l’architecture rocailleuse.

Œuvre commune d’un architecte qui aime les « choses complexes et claires » et d’une entreprise désireuse d’exposer sa maîtrise des ouvrages d’exception, la villa troglodyte relève d’une réflexion spatiale, structurelle et paysagère et d’une gestion économique de l’énergie auxquelles les performances thermiques du béton contribuent. Par sa valeur de laboratoire sur un site très complexe et face aux impératifs du réchauffement climatique, elle ouvre des pistes pour l’habitat de demain en répondant aux enjeux environnementaux actuels et en exploitant les énergies naturelles, la géothermie, l’énergie solaire et la récupération d’eau de pluie.

Les formes dessinées et sculptées, une patine en harmonie avec la roche existante et la végétation recréée sont totalement fidèles à l’image et à la puissance d’un rocher naturel.

Conquête et respect d’un éperon rocheux

Avant cette étonnante villa, le groupe immobilier JB Pastor & Fils, bien connu dans la principauté, avait déjà construit avec Jean-Pierre Lott l’immeuble Stella et ils développent ensemble des logements de standing. À l’angle de l’avenue Hector Otto et de la rue Honoré Labaude, près du jardin exotique, la villa s’est approprié l’emplacement d’un éperon rocheux pris dans la densité et les escarpements du tissu urbain. Comme il semblait impossible d’y construire une maison, la volonté du maître d’ouvrage était de conserver le rocher et de faire en sorte que la maison disparaisse. Ce rocher devint donc le cadre d’un projet de haute voltige. Pour y installer une construction sans l’altérer, des contraintes techniques et architecturales ont été fixées. Outre le respect primordial du paysage et de l’écosystème, il fallait doter l’habitat d’un confort exceptionnel en expérimentant des solutions innovantes et en minimisant les besoins énergétiques.  

Pour ancrer la villa en respectant les volumes, les failles et la végétation de l’éperon rocheux, l’architecture est sculptée dans la masse. Obtenu par évidement, l’espace conserve le caractère et la force de la roche qui nourrissent le confort intérieur. Dans une réconciliation de l’habitat troglodyte et de la lumière naturelle, l’architecte a su cadrer les vues sur des perspectives choisies et aller chercher la lumière naturelle qui revêt partout une importance particulière par son apport significatif aux économies d’énergie et au confort. Toutes les pièces de vie ont des percements qui traversent le rocher et font corps avec lui. Tels des tableaux, ils accentuent le caractère minéral de la composition. 

Au rez-de-chaussée haut, on accède à la maison de plain-pied par une faille dans le rocher. La référence à l’univers des grottes est d’autant plus évidente qu’une autre grande faille se développe sur toute la hauteur des 5 niveaux. Reliant les pièces entre elles, elle filtre la lumière.

Les failles et les cavités avec leurs poches de plantations variées, propices à la réinstallation de la faune et de la flore locales.

Depuis l’entrée, une passerelle conduit à une grande salle qui surplombe une piscine « insulaire » aux faux airs de lac souterrain. Les parois s’apparentent à celles d’une grotte rocailleuse aux formes courbes et aléatoires. Accessibles par l’escalier ancré dans la grande faille, le séjour attenant à la cuisine et les trois chambres occupent les étages supérieurs. Au niveau 1, le séjour profite des échappées visuelles vers la mer, et les jardinières de sa grande terrasse, délimitée par le rocher reconstitué, masquent le soutènement de l’immeuble voisin. Deux chambres, dont la master bedroom avec son dressing et sa salle de bains, se partagent le niveau 2, où la terrasse de la master bedroom s’inscrit dans le dessin du rocher. Au niveau 3, une autre grande chambre dispose d’une terrasse similaire. 

Structure en béton et enrochement artificiel 

« Réaliser un projet aussi atypique est passionnant mais très complexe car la nature reprend très vite ses droits en imposant des contraintes spécifiques quant à l’étanchéité du béton », explique Jean-Pierre Lott qui se félicite de sa collaboration avec la paysagiste Jacqueline Osty. 

« Elle nous a ouvert les portes car elle terminait la restauration du rocher du zoo de Vincennes avec l’équipe d’Atelier Artistique du Béton (AAB) spécialisée dans les décors en béton. Ces derniers ont commencé par faire une maquette en carton mousse de type Kadapak® où nous avons positionné les planchers avant qu’ils ne modèlent le plâtre du rocher avec ses formes, ses fissures et des poches pour la végétation. Cette maquette a également permis de positionner les percements et les terrasses en tenant compte des caractéristiques du rocher. Nous l’avons ensuite scannée afin de modéliser la forme à reproduire et de l’intégrer à nos plans d’architecte tout en faisant le réglage des isolants par l’extérieur. »

Pour passer à la construction réelle, AAB a fabriqué des cages métalliques recouvertes d’une toile sur laquelle un voile mince de 5 cm en béton bas carbone a été projeté pour aboutir aux formes désirées. Depuis son échafaudage à 1 m des parois, un sculpteur a retravaillé le béton frais pour lui donner son réalisme en harmonie et parfaite continuité avec la partie authentique conservée. Enfin, un peintre a parachevé l’ouvrage dans sa couleur exacte et sa patine qui vieillira avec le rocher.

Mimétique, avec ses cavités, ses failles et sa puissance, la façade rocheuse reconstituée s’inscrit en continuité de la partie inférieure du rocher naturel conservé au rez-de-chaussée (niveau rue). Aux niveaux supérieurs, le rocher est recomposé avec une texture identique à l’existant dont la stratification en plis obliques est prolongée pour intégrer les terrasses et leurs garde-corps traités en enrochements. La faille verticale principale en appui sur une rupture de géométrie du bâtiment sert de colonne vertébrale à l’ensemble. En scindant le volume en deux, elle évite l’effet de massivité et facilite l’intégration discrète des fenêtres et des baies vitrées.

 

Cycle énergétique vertueux et matériaux biosourcés

La compacité du bâtiment, la performance thermique de son enveloppe, l’efficacité des protections solaires et un juste équilibre entre les apports de lumière naturelle et la maîtrise des déperditions et des apports solaires affirment le statut d’une architecture bioclimatique à basse consommation. Pour diffuser une chaleur « douce » dans un environnement intérieur sain et confortable, un système de chauffage et rafraîchissement, de type dalle active, mise sur la masse du béton comme réservoir de chaleur ou de fraîcheur.

Tout ceci vaut à la villa son label de performance Effinergie+ avec une consommation inférieure de 40 % à la consommation de base de la réglementation thermique française. S’y ajoutent la géothermie, une pompe à chaleur et une installation photovoltaïque en autoconsommation sur le toit qui produit 1 400 kWh/an, assurant ainsi une grande partie des besoins en électricité de la villa par des énergies renouvelables sur site. Le maître d’ouvrage ayant donc multiplié les solutions techniques performantes en termes d’efficacité énergétique, de maîtrise de l’empreinte carbone et de neutralité environnementale, la villa a obtenu plusieurs autres certifications environnementales et labels dont la certification « Bâtiments durables méditerranéens ». À ce titre, elle serait la première réalisation de la Principauté détentrice du niveau OR et elle détient aussi la certification anglo-saxonne BREEAM, au niveau « Excellent ».

 

 

Selon la certification « Bâtiments durables méditerranéens », les matériaux de construction doivent être sains et issus en priorité d’une provenance locale. Ceux de la villa répondent à ces normes et à une analyse stricte de leur cycle de vie. La structure en béton bas carbone a été coulée en place avec un béton produit par une centrale voisine et les parties du rocher excavées lors de la construction ont été recyclées en granulats dans une carrière locale. 
Jouant de leurs contrastes avec la matérialité du béton, d’autres matériaux, tel le doublage en liège varois, optimisent les performances énergétiques. Cet isolant sain et naturel et des peintures naturelles à la chaux participent à l’élégance des intérieurs.

Le garage dispose d’une borne pour véhicule électrique. Une commande centralisée permet de piloter et monitorer les performances énergétiques de la maison. Une ventilation « double flux » adapte le renouvellement d’air aux activités tout en garantissant la qualité de l’air intérieur et un meilleur confort acoustique. Pour réduire l’effet « îlot de chaleur » urbain redouté en climat méditerranéen, un rafraîchissement en échange avec le sol évite les rejets de chaleur dans l’atmosphère.

Prélever, déplacer et réimplanter la végétation à l’issue de la construction a préservé l’écosystème, avec une attention particulière envers les espèces telles que la campanule à racines épaisses, la doradille de Pétrarque et le caroubier préservé avec soin. En renforçant le caractère naturel de l’enrochement et ses anfractuosités propices à la réinstallation de la faune et de la flore locales et de quelques espèces exotiques localement prisées, l’aménagement paysager et la palette végétale soulignent le parti architectural.

La faille principale sert de guide vers les deuxième et troisième niveaux de la maison réservés à l’intimité des chambres avec leurs dressings et salles de bains.

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Fiche technique

Reportage photos : Loïc Thébaud

Maître d’ouvrage : JB Pastor & Fils
Équipe de conception : Jean-Pierre Lott, architecte ; Atelier Raymond, architecte Paysagiste : Atelier Jacqueline Osty & Associés
BET gros œuvre : E&G
BET CVC : Somibat
BET HQE® : Oasiis
Entreprise générale hors lots techniques : JB Pastor & Fils
Réalisation du faux rocher : Atelier Artistique du Béton (AAB)
Surface : 500 m2 SHON
Coût : non communiqué 
Programme : villa privée comprenant 1 grande pièce de vie, 3 chambres avec terrasses et salles de bains, 1 piscine, 1 passerelle, 1 ascenseur vitré, 1 garage, 1 étage technique en sous-sol.



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