Lancement du premier tunnelier  du Grand Paris Express à Champigny, février 2018.

La ligne 15 Sud sera mise en service en 2024. Longue de 33 km, elle dessert par voie souterraine 22 communes, 16 gares depuis Pont-de-Sèvres (92) jusqu’à Noisy- Champs (93 et 77) et concerne la vie d’un million de personnes. À ces données, s’ajoutent 4 km de raccordement au site de maintenance des infrastructures à Vitry et au site de maintenance et de remisage du matériel roulant à Champigny. Entre 2015 et 2017, la majorité des déviations des réseaux concessionnaires ont été réalisées. Les huit marchés de Génie Civil ont été attribués en 2016 et 2017 pour un montant total de 3,7 Mds ¤. Depuis, les chantiers montent en puissance. Leur impact économique est perceptible : fin septembre 2017, 208 M¤ étaient engagés auprès de 513 PME, dont 337 franciliennes. 2 000 personnes, encadrement compris, travaillent sur la ligne. Plus du double est attendu en 2019.

Ripage de la dalle de couverture pour la gare Fort d’Issy -Vanves - Clamart
Ripage de la dalle de couverture pour la gare Fort d’Issy -Vanves - Clamart

Les tunneliers et les tunnels

S’inscrivant dans un contexte urbain très dense et passant sous des zones de bâtiments de grande hauteur, aux fondations profondes, la ligne 15 Sud est marquée en 2018 par l’entrée en action des tunneliers. La présence d’anciennes carrières – qui seront comblées avant le passage du tunnelier – et la nature de certaines strates géologiques obligent à creuser à plus de 40 m de profondeur par endroits. Les gares les plus « superficielles » se situeront à une vingtaine de mètres sous terre, les plus profondes à 50 m. 

À titre de comparaison, le métro parisien se trouve en moyenne à 10 m sous la surface du sol. Dix tunneliers seront nécessaires pour creuser la ligne 15 Sud. Ils évolueront à une profondeur comprise entre 15 et 55 m à une vitesse moyenne de 10 à 12 m/j. Le creusement du premier tunnel, un tronçon de 2,2 km pour raccorder le site de maintenance et de remisage (Champigny) à la ligne principale (Villiers), a démarré en avril 2018. Le creusement du tunnel inter-gare entre Noisy - Champs et Bry-Villiers-Champigny (4,7 km) a débuté en septembre 2018. C’est sur ce tronçon qu’auront lieu les premiers essais de matériel, en 2022. Chaque tunnelier est introduit dans le sous-sol par un puits en parois moulées. Une fois les parois coulées, le volume intérieur est terrassé, le radier construit, tandis que les parois sont soutenues par des butons. 

Le tunnelier est ensuite placé sur le radier, assemblé avec une roue de coupe adaptée à la nature du sous-sol traversé. Les déblais issus du creusement sont broyés puis remontés en surface. Les voussoirs préfabriqués en béton sont acheminés par wagon à l’arrière du tunnelier, puis posés au fur et à mesure du creusement grâce à un érecteur. Une fois assemblés, ils forment un anneau de béton armé (7 voussoirs ; 9,5 m de diamètre extérieur) qui constitue le revêtement définitif du tunnel. Le tunnelier avance en excavant le sol par pas successifs correspondant à la longueur de chaque anneau. Il prend appui à l’aide de vérins sur l’anneau précédent. Cette technique en continu garantit un soutènement permanent du tunnel. 

Puits d’essai de Boulogne.
Puits d’essai de Boulogne.

Les parois moulées de la gare Pont-de-Sèvres 

La gare souterraine de Pont-de-Sèvres est implantée sous le quai Georges Gorse en rive droite de la Seine, dans une zone dense en termes d’infrastructures routières et de bâtiments, et en bordure immédiate de la Seine. Les opérations de Génie Civil de la gare et de dévoiement des réseaux existants ont commencé en octobre 2017. Outre la boîte gare, l’infrastructure se prolonge par un couloir de correspondance souterrain avec le métro M9 et par une émergence sur le quai. Ces trois parties comportent une enceinte en parois moulées (1,50 m d’épaisseur, 45 m de profondeur pour des quais à 28 m de profondeur). Les parois ont été réalisées avec un béton de résistance élevée pour répondre aux exigences du chantier (limitation des déplacements, faible butée des terrains).

Ripage du pont-rail à Champigny.
Ripage du pont-rail à Champigny.

La dalle de couverture de la gare Fort d’Issy-Vanves-Clamart 

À l’intersection des communes de Clamart, Issy-les-Moulineaux, Vanves et Malakoff, la nouvelle gare est en interconnexion avec la ligne N du Transilien. C’est le premier grand chantier de la ligne 15 Sud, lancé en avant-première en mai 2016 pour être à l’heure au rendez-vous fixé quatre ans plus tôt par la SNCF entre les 12 et 16 août 2017. 

Réalisation des parois moulées et de la dalle de couverture

Situé sous la gare existante de Clamart et les quatre voies ferrées en exploitation, le chantier sert aussi de point d’arrivée aux deux tunneliers des lots adjacents, T3A et T3C. Les travaux de Génie Civil ont commencé par le décaissement d’une partie de l’emprise est, à proximité de l’implantation finale de la future gare, pour préfabriquer la dalle de couverture trapézoïdale. Réalisée en béton armé et sans joint de dilatation, elle a été coulée en six plots successifs sur étaiement. 

En parallèle, la SNCF a installé une passerelle piétons provisoire et remplacé les voies ferrées existantes par quatre tabliers provisoires à double travée afin de procéder aux terrassements en sous-œuvre sans impacter la circulation des trains. L’objectif était de libérer un gabarit de 6 m de hauteur pour réaliser les parois moulées. Ces dernières sont rehaussées par des voiles de 4,50 m de hauteur qui servent d’appuis définitifs à la dalle. Grâce à une cadence élevée, tout était prêt pour lancer le ripage. 

Ripage de la dalle de couverture

Du 12 au 16 août 2017, 42 chariots automoteurs multiroues ont déplacé la dalle (7 000 tonnes, 77 m de long, 24 à 53 m de large, 1,50 m d’épaisseur) jusqu’à son emplacement définitif. Durant 96 h – mieux que les 100 h prévues –, il a fallu démonter les ponts provisoires, libérer l’emprise de la couverture, faire riper (3 h) et sceller la dalle, réaliser les travaux d’étanchéité sur la dalle, qui sert aussi de couverture à la gare, installer la plate-forme ferroviaire et les rails, faire les tests, reposer les caténaires, reconstruire les remblais de part et d’autre du toit…

Avancée du chantier à Arcueil - Cachan avec mise en place du pont-dalle.
Avancée du chantier à Arcueil - Cachan avec mise en place du pont-dalle.

Gare Châtillon-Montrouge

La nouvelle gare Châtillon-Montrouge est constituée d’un corps principal souterrain, d’un accès et d’un couloir de correspondance, mi-souterrain mi-aérien. Les quais sont situés à 33 m de profondeur (quatrième niveau de sous-sol). Au cœur de la boîte gare, une grande trémie en forme de losange est bordée par des circulations verticales qui reprennent le principe d’escalier à double volée du château de Chambord. L’objectif est de théâtraliser les circulations, de « susciter une expérience de la grande hauteur, valoriser la profondeur, la rendre tellurique », selon l’architecte David Trottin. 

– La réalisation de la boîte gare

Les travaux de Génie Civil ont commencé au premier trimestre 2018. Des parois moulées (1,80 m d’épaisseur) ceinturent la boîte gare. Au sud, les panneaux plongent jusqu’à 65 m de profondeur pour reprendre les efforts générés par les appuis du bâtiment voyageurs et du projet connexe en surplomb. 

L’ensemble de la structure est réalisé en béton armé. Les planchers sont portés par un système de poteaux ancrés dans la craie et de poutres « butonnantes » (1,5 m à 2 m d’épaisseur) ou par des liernes qui reportent les efforts sur les poutres afin d’assurer un auto-équilibrage des poussées. Aucun poteau ne monte jusqu’à la dalle de couverture, d’une épaisseur constante de 2 m, qui assure le butonnage en tête des parois moulées. La gare est réalisée en sous-œuvre, à l’abri de la dalle de couverture.

Ripage du pont-rail à Champigny.
Ripage du pont-rail à Champigny.

Le pont-dalle d’Arcueil - Cachan 

Au nord-ouest de Cachan, la gare est construite à proximité de l’actuelle gare RER B pour assurer l’interconnexion. Son implantation se double d’un programme mixte (logements, bureaux, hôtel et commerces) afin de valoriser le quartier autour de la gare. 

Comme à Fort d’Issy-Clamart-Vanves, un passage est prévu sous la voie du RER B. La première phase a consisté à réaliser les fondations (pieux et parois de soutènement) du pont-dalle de part et d’autre du talus de la voie ferrée. D’avril à mai 2017, Sogea TPI a construit les trois longrines qui supportent le tablier et creusé des galeries sous les voies pour réaliser les deux culées définitives du pont ainsi qu’un pilier central temporaire.La construction du pont-dalle prééquipé (quais, candélabres, ballast) s’est déroulée de mai à octobre 2017 à proximité de son futur emplacement. Comme son nom l’indique, il sert à la fois de toit pour la future gare et de tablier pour la ligne RER B. Le trafic a été interrompu entre le 1er et le 5 novembre 2017, le temps de déposer la voie ferrée, les systèmes ferroviaires, les quais, les équipements et de terrasser le remblai avant l’étape clé du ripage. Le top départ a été donné à 1 h 18 dans la nuit du 1er au 2 novembre 2017. Le tablier en béton (40 m de long, 13 m de large, 3 000 t) a été glissé à l’aide de câbles tirés par des vérins « avaleurs » selon la méthode développée par l’entreprise Freyssinet.

À 9 h 58, l’ouvrage était positionné à l’aplomb des culées, soit une vitesse moyenne de 5 km/h pour franchir les 26 m. Restait à reconstituer le talus, poser la nouvelle voie, raccorder les quais, installer les équipements de signalisation, les tester, finaliser les travaux de Génie Civil en comblant les vides entre le tablier et le talus, réaliser les essais dynamiques à vide… Le tout aura duré 124 heures. 

(Les travaux de construction des parois moulées de la boîte gare ainsi que le creusement du puits d’accès qui accueillera l’un des 10 tunneliers sont en cours.)

Les parois moulées de la gare de Villejuif Institut Gustave Roussy 

La construction de la gare s’accompagne d’une grande opération d’aménagement du quartier Campus Grand Parc (80 ha), l’une des plus importantes de la métropole parisienne. Outre des opérations de logements et la réhabilitation de plusieurs grands ensembles collectifs, Grand Parc verra l’implantation du futur cluster français de la santé. 

La gare s’inscrit sur neuf niveaux souterrains, à 49 m de profondeur, où se situent les quais de la ligne 15 Sud, en interconnexion avec ceux de la ligne 14. Les travaux de Génie Civil ont commencé en mai 2017 avec les terrassements et les parois moulées des locaux techniques. La réalisation des parois circulaires du puits central accueillant la gare a débuté en novembre. 

La méthode utilisée pour les parois moulées est classique, mais il s’agit néanmoins d’un chantier de grande ampleur compte tenu de la forme cylindrique et de la profondeur de l’ouvrage (plus de 50 m). Le forage des panneaux est réalisé à la benne mécanique. Au fur et à mesure du creusement, un coulis de bentonite est substitué au terrain excavé. Des cages d’armatures sont positionnées dans la tranchée. Un joint est posé aux deux extrémités pour assurer l’étanchéité de la paroi avec les panneaux adjacents. Le béton est coulé dans la tranchée du bas vers le haut. Il chasse la bentonite qui remonte à la surface et qui est traitée pour être réutilisée. Les parois sont réalisées par panneaux successifs de 7 m de large.

Le pont-rail de Champigny Centre  

Le projet de l’agence Richez & Associés prévoit un accès à l’est, sous les voies de la Grande Ceinture, ce qui nécessite d’insérer un pont-rail en béton armé dans le talus de la voie ferrée. Comme à Clamart ou à Cachan, le cadre en béton du pont-rail a été préfabriqué sur une plate-forme. Après interruption du trafic, le talus est creusé, 6 000 m3 de terre sont évacués. Le portique en béton (3 600 t) a ensuite été déplacé à son emplacement définitif, 47 m plus loin, au rythme de 2 ou 3 m/h (17 h au total). Une fois le ripage terminé, les rails et les équipements des voies sont réinstallés. La réalisation des parois moulées de la gare a commencé au premier trimestre 2018.

Réalisation du pont-dalle.
Réalisation du pont-dalle.

Avis d’expert

Guillaume Pons, directeur de projet de la ligne 15 Sud, Société du Grand Paris

Pourquoi la ligne 15 Sud est la première à être mise en service ? 

À l’origine, elle était effectivement la plus avancée pour deux raisons : ce secteur du Val-de-Marne avait été bien décanté par l’association Orbival et c’est la zone de charge attendue la plus conséquente du Grand Paris Express. Mais avec la nouvelle feuille de route, l’échéance est passée à 2024 juste après les lignes ou tronçons de lignes nécessaires aux sites des JO en 2024.  

Quels sont les moments les plus intéressants des chantiers en cours ?   

Les travaux les plus spectaculaires sont ceux qui ont été réalisés par RATP et SNCF. Ce sont des emprises où soit la gare, soit un couloir de correspondance, soit une sortie passe sous le faisceau ferroviaire, ce qui impose des dispositions particulières : en 2017, le poussage d’un ouvrage cadre à Champigny ; la construction et le ripage d’une dalle de couverture à Clamart ; le ripage d’un pont ferroviaire à Cachan.

En 2018, plusieurs opérations importantes ont eu lieu : du 19 au 21 mai, SNCF a procédé
au poussage d’un couloir de correspondance aux Ardoines après que les parois de la gare et les terrassements ont été réalisés. À Vert-de-Maisons, SNCF réalise un couloir de correspondance en sous-œuvre des quais du RER. À Créteil-l’Échat, RATP a mis en place un « couloir de lien avec la ville » sous la ligne 8 entre mi-juillet et mi-août. L’opération s’est déroulée à ciel ouvert avec interruption de la circulation. En novembre prochain, RATP va lancer le ripage du pont-rail de Noisy-Champs, sous lequel va s’implanter la totalité de la gare. 

La ligne 15 Sud présente-t-elle des complexités particulières ?  

Ce qui est exceptionnel sur cette ligne, c’est la profondeur des parois moulées en béton armé qui sont situées largement sous le radier des gares pour assurer leur stabilité mécanique et hydrogéologique. Du fait de la géologie à Saint-Maur-Créteil par exemple, les quais sont implantés à 52 m de profondeur, sous le RER A et un immeuble.

Les parois moulées (1,80 m d’épaisseur) plongent à 70 m. Idem à Vert-de-Maisons, avec une épaisseur moindre (1,50 m). On est très clairement dans des dimensions exceptionnelles pour ce type de travaux. Les entreprises savent faire, mais réaliser ces parois avec les joints d’étanchéité entre deux panneaux sur une telle profondeur reste un challenge.

La nature des chantiers induit des volumes de béton considérables. Avez-vous spécifié des exigences particulières ?   

La Société du Grand Paris a voulu faire des cahiers des charges standards. Un livret béton impose sur un certain nombre de gares des contraintes fortes en termes d’étanchéité entre les panneaux en béton armé des parois moulées pour prévenir toute infiltration à l’intérieur de l’ouvrage. Les exigences portent également sur les voussoirs en béton armé et la SGP
a prévu d’expérimenter le béton fibré pour certains tronçons de tunnel.  

Début de l’opération de ripage  du pont-dalle.
Début de l’opération de ripage du pont-dalle.

Chiffres clés

  • 33 km en souterrain
  • 16 gares dont 15 en interconnexion avec les radiales (RER, métro, tramway) 
  • 150 000 voussoirs 
  • 22 communes desservies : Val-de-Marne, Hauts-de-Seine, Seine-Saint-Denis,
    Seine-et-Marne dans 4 départements
Chantier des parois moulées à Villejuif Institut Gustave Roussy.
Chantier des parois moulées à Villejuif Institut Gustave Roussy.

Principaux intervenants

Reportage photos : Société du Grand Paris : Julie Bourges, Gérard Rollando, Valentin Desjardins, Florence Joubert



0 commentaires
CAPTCHA
Voir aussi
  • 01/09/2018
    la réunion – marseille – ajaccio
    Le béton au secours de la biodiversité marine
    Favoriser le repeuplement des fonds marins : le nouveau défi lancé au béton, qui par sa grande plasticité, sa durabilité et sa résistance s’adapte aux contraintes physiques et de biodiversité.
  • 01/10/2018
    VAUCLUSE

    Avignon : le béton, champion des solutions « tramway »

    Le tramway est de retour dans la Cité des papes. Pour lui permettre de circuler de nouveau, le béton est largement mis à contribution. Le but : réaliser différents types de revêtements, végétalisés ou minéraux, en fonction du tracé. Avec des solutions innovantes comme la pose des rails en jaquette ou la plate-forme en « ladder track », totalement inédite en France.