Ce phénomène a pour conséquence d’abaisser le pH du milieu (à une valeur proche de 9) et de conduire à la dissolution des hydrates du ciment. L’hydroxyde de calcium (Ca(OH)2) est notamment affecté. Plus communément appelé portlandite, cet hydrate joue un rôle fondamental dans le maintien d’un pH élevé protégeant les armatures du béton armé (le pH d’un béton non carbonaté est de l’ordre de 12 à 13).

Lorsque la portlandite a été entièrement consommée, ou qu’elle n’est plus suffisamment accessible pour réguler le pH par effet tampon, le milieu s’acidifie, permettant ainsi la corrosion des armatures. La carbonatation des silicates de calcium hydratés (C-S-H) est également possible. 

La carbonatation des C-S-H, qui contribue de manière non négligeable à la fixation du CO2 dans la matrice cimentaire, est à l’origine d’importantes évolutions de la microstructure. Les C-S-H se carbonatent suivant un mécanisme progressif de décalcification, les ions calcium venant se précipiter dans la porosité avec les ions carbonates sous forme de carbonate de calcium. La décalcification conduit à la formation d’un gel de silice très amorphe (fortement polymérisé) et plus ou moins hydraté. La carbonatation de la portlandite et des C-S-H est inéluctable, même pour des concentrations très faibles en CO2 (0,03%). La concentration en CO2 venant simplement contrôler la vitesse à laquelle ce phénomène va avoir lieu et la vitesse avec laquelle il pénétrera dans le matériau.

La carbonations modifie le pH du béton

Au cours du processus de carbonatation, l’élément principal de transformation est le carbonate de calcium (CaCO3) dont il existe plusieurs variétés polymorphiques : calcite, vatérite et aragonite. La calcite est la variété la plus stable et correspond à la forme du calcaire qui a servi à obtenir le clinker après cuisson du cru dans le four de la cimenterie.

La carbonatation progresse de l’extérieur (parement) vers l’intérieur, à travers la zone d’enrobage des armatures, selon un processus physico-chimique qui associe la diffusion du CO2 à travers la porosité et les réactions chimiques de fixation du CO2 dans les hydrates. La neutralisation de l’alcalinité du milieu qui en découle devient problématique lorsqu’elle atteint le premier lit des armatures. En effet, si le pH diminue trop, la couche de passivation des aciers constituée d’oxydes et d’hydroxydes ferreux devient instable. Il s’ensuit une corrosion de l’armature. Les produits de corrosion, qui sont expansifs, endommagent le parement (fissuration, épaufrures...), et peuvent conduire à une réduction de la section d’acier des armatures. La valeur de pH seuil en dessous de laquelle la carbonatation peut conduire à une corrosion des armatures est situé entre 9 et 11. Ce seuil dépend de la nature du ciment et surtout de l’état hydrique du béton.

Il est possible de réaliser un diagnostic de l’état de carbonatation du béton en prélevant dans un parement une carotte qui est fendue en deux et sur laquelle un indicateur colorimétrique de pH (phénolphtaléine) est pulvérisé. La partie carbonatée apparaît incolore et le noyau non carbonaté, c’est-à-dire très basique, se colore en rose. La phénolphtaléine est un indicateur de pH coloré dont le changement de couleur se situe aux alentours de 9.

L’humidité de l’air est un facteur très important puisque la carbonatation est lente, voire absente, dans une atmosphère saturée d’eau (la diffusion du CO2 en phase gazeuse est alors quasiment impossible si la porosité du béton est saturée) et dans une atmosphère trop sèche (la dissolution du CO2 en phase aqueuse n’a pas lieu car elle est cinétiquement très limitée). Ce comportement conduit à une carbonatation optimale pour une humidité relative comprise entre 50 et 70 %. En revanche, la corrosion sera quant à elle optimale pour une humidité relative avoisinant 90 %-95 %.  

Plusieurs paramètres influent sur la cinétique de carbonatation 

Il existe de nombreux modèles de carbonatation qui traduisent, la résistance physico-chimique du béton contre la pénétration du front de carbonatation.

Les paramètres utilisés se rapportent à :

  • La porosité du béton qui conditionne la résistance « physique » du matériau à la diffusion du CO2 ;
  • La teneur en hydrates carbonatables : plus elle est élevée, plus le béton est capable de freiner « chimiquement » la pénétration du front de carbonatation ;
  • La microstructure du matériau (taille des pores) dont dépend l’état hydrique du matériau qui conditionnera la cinétique de pénétration du phénomène. C’est alors essentiellement la perméabilité à l’eau liquide du matériau qui sera un indicateur de durabilité pertinent.

Ces modèles aboutissent généralement à une évolution lente en racine carrée du temps de la profondeur de carbonatation. Avec un béton ordinaire conservé dans un environnement dont l’humidité relative est comprise entre 50 et 70 %, la profondeur de carbonatation est de 5 mm après un an, 10 mm au bout de 4 ans et 25 mm après 25 ans.

Les modèles sont ainsi utilisés pour prédire la durée de vie du matériau béton vis-à-vis de l’initiation de la corrosion par carbonatation. 



0 commentaires
16/08/2023 ZIABLITCEV
Très bel article, bravo.
07/09/2023 Equipe Infociments
Bonjour @Ziablitcev - Merci pour votre commentaire, nous transmettrons à l'auteur ! Bien à vous, l'Equipe infociments
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Voir aussi
  • 01/02/2013
    SOLUTIONS BÉTON
    Carbonatation des bétons et piégeage du CO2
    Une piste pour lutter contre ce gaz à effet de serre. La carbonatation du béton est un phénomène indissociable de ce matériau de construction. Pendant la durée de vie de l’ouvrage, le dioxyde de carbone présent dans l’atmosphère pénètre dans le béton à partir de la surface du matériau. Le dioxyde de carbone peut alors réagir avec les produits résultant de l’hydratation du ciment.