Vue de l’œuvre Marbre d’ici, de Stefan Shankland, durant la phase de chantier. Le motif ondulé évoque le lit de la Seine, qui passait là il y a 360 000 ans.

Bordée d’immeubles neufs d’une dizaine d’étages, la place du Général-de-Gaulle s’étend sur 3 600 m2, en retrait de la RD 5 qui relie Paris à Choisy-le-Roi. Le plateau rectangulaire est essentiellement piétonnier, traversé dans sa longueur par une voie circulée en double sens. Son aménagement, débuté en juin 2015 pour être finalisé en octobre, a été géré en cotraitance par Mineral Service et Fayolle, en collaboration avec le bureau d’études BATT et l’agence de projets d’urbanisme, de paysage et d’architecture Urbicus. « Nous avons travaillé très en amont du projet avec Urbicus, note Samuel Béard, chef de l’agence Haute-Normandie de Mineral Service. Tant pour le choix des bétons que pour la prise en compte de la question des joints – déterminante en termes de pérennité de l’ouvrage – dans le projet architectural. »

S’appuyant sur l’orientation des bâtiments alentour – un large front bâti avec plusieurs percées –, la réflexion de l’équipe d’Urbicus s’oriente rapidement vers le dessin d’un espace monopenté au milieu duquel se succèdent trois grandes noues, plantées de végétaux appréciant les milieux humides, de type saule et autres graminées, qui permettent de récolter les eaux de ruissellement. « Selon la traduction que nous avions pu faire du cahier des charges de l’aménageur, en l’occurrence l’AFTRP (1), la place devait être la plus simple possible, à savoir surtout minérale, explique Rudy Blanc, l’architecte paysagiste ayant conduit le projet pour Urbicus. Elle devait aussi pouvoir accueillir des manifestations publiques. » Autre enjeu incontournable : la volonté de la municipalité de laisser une place à la voiture.

 La place du Général-de-Gaulle, à Ivry-sur-Seine. Parmi les enjeux incontournables, la Ville souhaitait laisser une place à la voiture, en termes de stationnement comme de circulation.
La place du Général-de-Gaulle, à Ivry-sur-Seine. Parmi les enjeux incontournables, la Ville souhaitait laisser une place à la voiture, en termes de stationnement comme de circulation.
Trois types de bétons ont été retenus pour le revêtement de la place du Général-de-Gaulle : un béton brossé pour les zones piétonnes, un béton bouchardé, permettant le passage occasionnel de gros véhicules, et un béton hydrogommé pour la partie circulée de l’espace.
Trois types de bétons ont été retenus pour le revêtement de la place du Général-de-Gaulle : un béton brossé pour les zones piétonnes, un béton bouchardé, permettant le passage occasionnel de gros véhicules, et un béton hydrogommé pour la partie circulée de l’espace.
Partie piétonne de la place du Général-de-Gaulle. Un important calepinage a dessiné de grandes transversales et assuré une disposition équilibrée des joints de dilatation – couverts et non recouverts – et de retrait.
Partie piétonne de la place du Général-de-Gaulle. Un important calepinage a dessiné de grandes transversales et assuré une disposition équilibrée des joints de dilatation – couverts et non recouverts – et de retrait.

Trois types de bétons retenus

Trois types de bétons ont été retenus pour le revêtement : un béton brossé, qui se déploie sur les zones piétonnes, un béton bouchardé, qui permet le passage occasionnel de gros véhicules, et un béton hydrogommé, pour la partie circulée de l’espace. « Diverses contraintes techniques ont dû être prises en compte, relève Alexandre Lamarre, conducteur de travaux chez Mineral Service. Le fait de pouvoir proposer des voiries “toutes circulations” – on a utilisé du BC5, sur 18 cm d’épaisseur –, mais aussi d’être par endroits sur sous-sols puisqu’il y a un parking souterrain. » Outre son rendu esthétique – il est très lisse –, le béton hydrogommé a l’avantage d’être facile à entretenir : s’il peut être légèrement ouvert comme ici afin de favoriser l’adhérence des véhicules, « il limite la pénétration de tout ce qui est adjuvant, huile ou encore traces de pneus », précise Rudy Blanc. Enfin, un important calepinage a dessiné de grandes transversales et permis un juste équilibre technique dans la disposition des joints de dilatation – couverts et non recouverts – et de retrait.

Marbre d’ici, un béton inédit

La particularité de ce chantier réside aussi dans la collaboration inédite nouée entre Mineral Service et l’artiste Stefan Shankland. Ce dernier est à l’initiative du projet TRANS305, un programme d’accompagnement artistique et culturel conçu dans le cadre de la ZAC du Plateau et dont l’aboutissement est une œuvre intitulée Marbre d’ici, déployée sur 265 m2 au cœur de la place. Divisée en 12 parcelles délimitées par des joints de dilatation et soutenue par une première structure bétonnée, elle est composée d’une série de bandes de béton de 2 cm d’épaisseur ; un matériau fabriqué à partir de 10 tonnes de briques, tuiles, pierres calcaires et autres gravats provenant de la démolition des bâtiments du quartier avant sa réhabilitation. « Nous les avons fait mettre de côté, confirme Stefan Shankland.

Nous étions là aussi quand les archéologues sont tombés, lors de fouilles préventives, sur le lit de la Seine datant d’il y a 360 000 ans. C’est ce qui a inspiré le motif ondulé de l’œuvre. » Les différents matériaux ont été concassés et travaillés au crible deux fois pour obtenir les granulats souhaités. « Puis nous sommes partis d’une base béton “classique” constituée de ces granulats, de sable et de ciment, associée à des matériaux plus spécifiques telles des microfibres et des résines fabriquées par Moderne Méthode sous l’appellation Aggreg’Art ; un mélange qui permet la réalisation de bétons minces », explique Samuel Béard. Les opérations de pesée ont été effectuées à 5 grammes près ! Ensuite, le coulage a été fait manuellement, en alternant une bande de béton sec et deux bandes béton frais (de couleurs différentes), avant que l’ensemble ne soit poncé puis recouvert d’une résine de protection.

Stefan Shankland précise avoir voulu « réinjecter quelque chose – le patrimoine matériel du siècle dernier et le dessin des méandres d’un fleuve antique – issu de temporalités autres que celles de la ZAC ». « Il s’agissait aussi de réintroduire cette notion d’un temps géologique, poursuit-il, de rapporter dans cet espace public des échelles qui le dépassent. Le motif, qui “déborde” de toutes parts, participe à évoquer ces lignes de force qu’on ne voit pas, mais qui façonnent le territoire. »

Trois questions à Stefan Shankland

Qu’est-ce qui a motivé votre intérêt pour l’espace public ?

Il est lié à la question de la place de l’artiste dans des situations de mutation, c’est-à-dire en dehors de son atelier ou des institutions culturelles. Il a là un rôle important à jouer, non pas seulement en tant que producteur d’œuvres, mais en tant qu’expérimentateur.

La ZAC du Plateau porte le prototype d’une nouvelle démarche appelée HQAC. Quel est son concept ?

HQAC signifie « Haute Qualité Artistique et Culturelle ». J’en suis l’initiateur et elle a été mise en place à la fois avec la Ville d’Ivry et l’aménageur AFTRP. Il y a huit ans, nous avons choisi cette ZAC comme lieu d’expérimentation, avec la volonté de travailler de façon incrémentale. Cette démarche contractualise l’existence d’une action expérimentale intégrée aux phases de chantiers et s’articule autour d’une double réflexion sur la question de l’art dans l’espace public et sur l’identité d’une ville entrant dans un processus de mutation important.

L’implication des habitants était-elle importante à vos yeux ?

Tout à fait : à travers divers projets conduits dix-huit mois durant, il a toujours existé une forme de trio réunissant les acteurs traditionnels du chantier – de l’aménageur jusqu’aux entreprises –, la ville en dehors du chantier – les écoles environnantes, les riverains ou encore les 100 000 usagers par jour de la départementale voisine – et mon équipe artistique.

Plus d’informations : http://stefanshankland.com et www.trans305.org

Détails de l’œuvre Marbre d’ici, de Stefan Shankland, réalisée à partir du recyclage de 10 tonnes de gravats récupérés lors de la démolition des bâtiments du quartier avant sa rénovation. Le motif ondulé évoque le lit de la Seine, qui passait là il y a 360 000 ans.
Détails de l’œuvre Marbre d’ici, de Stefan Shankland, réalisée à partir du recyclage de 10 tonnes de gravats récupérés lors de la démolition des bâtiments du quartier avant sa rénovation. Le motif ondulé évoque le lit de la Seine, qui passait là il y a 360 000 ans.
Détails de l’œuvre Marbre d’ici, de Stefan Shankland, réalisée à partir du recyclage de 10 tonnes de gravats récupérés lors de la démolition des bâtiments du quartier avant sa rénovation. Le motif ondulé évoque le lit de la Seine, qui passait là il y a 360 000 ans.
Détails de l’œuvre Marbre d’ici, de Stefan Shankland, réalisée à partir du recyclage de 10 tonnes de gravats récupérés lors de la démolition des bâtiments du quartier avant sa rénovation. Le motif ondulé évoque le lit de la Seine, qui passait là il y a 360 000 ans.

Maîtrise d’ouvrage: Ville d’Ivry-sur-Seine Aménageur AFTRP
Maîtrise d’œuvre: BATT et Urbicus (paysagiste) Entreprise mandataire Fayolle
Réalisation des bétons décoratifs: Mineral Service
Réalisation de l’œuvre: « Marbre d’ici » Stefan Shankland avec Mineral Service
Fournisseur des granulats: TRANS305, fournisseur de matériaux recyclés transformés en granulats par Mineral Service, pour le Marbre d’ici / Eqiom-Groupe CRH pour les granulats des bétons bouchardé et texturé
Fournisseur du béton: Eqiom-Groupe CRH (Alfortville) pour le béton bouchardé / Eqiom-Groupe CRH (Tolbiac) pour le béton texturé
Fournisseur du ciment: Eqiom-Groupe CRH (Lumbres) pour le CEM III/A 42,5 N CE CP1 NF / Eqiom-Groupe CRH (Lumbres) pour le CEM I 52,5 N CE CP2 NF
Fournisseur d’Aggreg’Art: Moderne Méthode
Fournisseur de produit de protection de sol: Grace (Pieri Early Protec)
Entreprise paysagiste: Parc Espace Rambouillet



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