Écrans Etanches

Les écrans étanches sont des structures enterrées destinées à réduire, empêcher ou détourner des écoulements souterrains ou établir une coupure imperméable pour isoler un site. Ils sont utilisés à titre provisoire ou définitif pour réaliser soit des ouvrages hydrauliques soit des ouvrages de protection de l’environnement.

Ils sont réalisés à l’aide de coulis autodurcissables à base de bentonite et de ciment, dans des terrains généralement alluvionnaires (sols meubles de faible compacité, hétérogènes, perméables) en présence d’une nappe aquifère. Ils peuvent être linéaires (pour réaliser l’étanchéité de barrage ou de cours d’eau) ou circulaires (pour réaliser, par exemple des enceintes fermées destinées à mettre hors d’eau une fouille ou isoler une zone polluée). Ils doivent être étanches, résistants tout en étant déformables (afin de suivre les mouvements de terrain sans se fissurer) et pérennes sous l’action de l’eau de la nappe phréatique.

La technique consiste à réaliser une tranchée en continu en utilisant comme fluide de perforation, le coulis bentonite-ciment qui en se substituant au sol formera après durcissement l’écran définitif.

Les écrans étanches (d’épaisseur courante 0,50 m) sont mis en place principalement pour deux types d’application : la réalisation de barrières étanches à la migration des eaux souterraines ou d’enceintes de confinement de zones polluées. Leur profondeur peut atteindre jusqu’à 100 mètres.

Les barrières étanches sont utilisées pour la construction de tranchées couvertes, de parkings, de stations de métro, de piles de pont, de quais ou d’écluses. Dans ce cas, elles assurent un rôle provisoire en permettant la réalisation des ouvrages à l’abri de la nappe phréatique. Elles peuvent être utilisées à titre définitif pour assurer l’étanchéité de digues, de rivières, de canaux ou de barrages. L’étanchéité complète de l’écran est garantie en le prolongeant et en assurant un ancrage dans une couche inférieure imperméable.

Les enceintes de confinement servent à protéger une zone polluée telle que des décharges ou des sites industriels. Ancrées dans un substratum naturellement étanche ou rendu étanche, elles ceinturent la zone en stoppant la migration et la dispersion des polluants vers les sols ou les eaux souterraines avoisinantes. Les coulis autodurcissables destinés à la réalisation d’écrans étanches sont constitués d’un mélange de ciment (en général un CUEM III), de bentonite spécialement adaptée pour la stabilisation de suspension comportant du ciment et de l’eau avec ajout éventuel d’adjuvants (afin d’adapter le coulis aux conditions particulières de chantiers, fluidification, retard de prise, réduction de l’essorage, etc…).

Nota : Les ciments de type CEM III présentent une bonne résistance aux agressions chimiques éventuelles des eaux et du sol et un développement de résistance adapté aux contraintes d’exécution de la technique.

La composition du coulis bentonite-ciment doit être optimisée en fonction du type d’écran à réaliser (spécifications relatives à la perméabilité et la résistance), des caractéristiques des terrains traversés et des contraintes de mise en œuvre sur chantier. Le principe de formulation vise à optimiser les proportions relatives des constituants et la concentration du mélange de liant dans le coulis afin d’obtenir le meilleur compromis entre ouvrabilité, résistance, perméabilité et déformabilité. La nature et le dosage en ciment sont déterminés par des exigences de résistance et de déformabilité. La viscosité et le pouvoir anti-essorant du coulis à l’état frais sont ajustés en optimisant le dosage en bentonite.

Nota : L’augmentation du dosage en ciment améliore la résistance du coulis durci au détriment de l’ouvrabilité de la suspension lors de l’excavation. L’augmentation du dosage en bentonite améliore la perméabilité de l’écran et réduit la sédimentation et la ségrégation du coulis en phase liquide. Une teneur insuffisante en bentonite conduit à une suspension instable, une teneur trop élevée à une mauvaise ouvrabilité. Des fillers ou des cendres volantes sont parfois utilisées afin d’augmenter la masse volumique du coulis ou améliorer sa rhéologie à l’état frais.

Les dosages courants sont compris pour le ciment entre 150 et 300 kg/m3de coulis et pour la bentonite (de type sodique) entre 20 et 50 kg/m3de coulis.

Le coulis autodurcissable joue un double rôle :

  • Un rôle de boue stabilisatrice à l’état frais assurant la stabilité de la tranchée pendant son creusement ;
  • Un rôle de matériau rigide et peu perméable constituant la paroi après la prise de ciment.

Le coulis à l’état frais doit être fluide, stable, homogène, ne présenter aucune sédimentation ou ségrégation et équilibrer les pressions exercées par le sol. Ces propriétés sont obtenues grâce aux caractéristiques rhéologiques offertes par la bentonite. Elle maintient en suspension les grains de ciment et garantit la cohésion du mélange. Le coulis doit conserver ses caractéristiques pendant les phases de fabrication, de stockage, de circulation dans les conduites d’alimentation et d’injection dans la tranchée.

A l’état durci, le coulis doit présenter des performances mécaniques suffisantes pour garantir la résistance de l’écran mais pas trop importantes pour que l’écran présente un module d’élasticité et des caractéristiques de déformation voisine de celui du sol et puisse accepter d’éventuels mouvements du terrain (des résistances mécaniques de quelques MPa sont en général spécifiées)

Ces performances mécaniques ainsi que la pérennité, la non érodabilité de l’écran, et la résistance aux agressions éventuelles du sol sont obtenues en optimisant le type de ciment et son dosage. Mais l’écran doit être aussi étanche (perméabilité inférieure à 10-9m/s), cette propriété étant assurée en particulier par les caractéristiques spécifiques de la bentonite.

Nota : Pour la détermination de la composition pondérale du coulis (poids des constituants pour réaliser un m3 de coulis) les masses spécifiques à prendre en compte sont de l’ordre de 3,0  pour le ciment et 2,3 pour la bentonite.

Les coulis sont fabriqués dans des centrales spécifiques de chantier composées de silos de stockage du ciment et de la bentonite, de cuves de malaxage et de stockage des boues et de systèmes d’injection.

La fabrication est réalisée en deux étapes. La première consiste à préparer la boue primaire (mélange de bentonite et d’eau) par malaxage (la mise en suspension des particules fines de bentonite exige un malaxage à cisaillement élevé) puis par stockage dans des cuves pendant une durée comprise entre 6 et 24 heures afin de permettre le « mûrissement » de la bentonite. La deuxième étape consiste à incorporer le ciment dans la boue primaire par malaxage. Le coulis obtenu est maintenu ensuite en agitation dans une cuve d’attente avant d’être pompée vers la tranchée.

Les caractéristiques du coulis à l’état frais sont évaluées à l’aide de quatre principaux essais. La viscosité est contrôlée au moyen d’un cône de Marsh en mesurant le temps nécessaire à l’écoulement d’un litre de coulis à travers un ajutage de dimension déterminée (les valeurs courantes sont de l’ordre de 35 à 45 secondes).La tendance à l’essorage est mesurée à l’aide d’un filtre presse. La masse volumique à l’aide d’une balance à boue, la stabilité par mesure du volume d’eau « surnageante »obtenue par décantation de l’échantillon dans une éprouvette graduée.

La tranchée est creusée à l’aide de matériels utilisés en travaux de fondations spéciales (benne à câble ou fraise hydraulique). L’excavation peut être réalisée soit par tronçons alternés (écrans constitués de panneaux creusés alternativement) soit en continu (panneaux creusés les uns à la suite des autres). Elle descend en général jusqu’à un substratum imperméable (par exemple une couche argileuse). Le coulis est introduit par déversement gravitaire dans la tranchée simultanément à l’excavation et se substitue au sol prélevé. Cette technique permet d’obtenir une continuité parfaite de l’écran et donc de l’étanchéité.

Les écrans étanches n’ont pas un rôle structurel. Leur résistance mécanique doit être suffisante pour supporter leur poids propre, résister aux contraintes du sol en profondeur et à des écoulements sous fort gradient. Une résistance en compression simple inférieure à 1 MPa permet de conserver une déformabilité satisfaisante de la paroi.

L’étanchéité des écrans est caractérisée par le coefficient de perméabilité K,

en m/s.(K correspond à la quantité d’eau traversant l’unité de section pendant l’unité de temps sous un gradient hydraulique défini). Les spécifications courantes sont fonctions de la nature de l’écran (K compris entre 10-7et 10-9m/s pour les ouvrages hydrauliques et K compris entre 10-8et 10-10m/s pour les ouvrages de protection de l’environnement). Le coefficient de perméabilité est mesuré sur un échantillon de matériau prélevé soit à la centrale de fabrication du coulis, soit par carottage au sein de l’écran après durcissement. Il est déterminé à l’aide d’une cellule d’étanchéité triaxiale en mesurant le volume d’eau de percolation à travers l’échantillon.

La perméabilité globale de l’écran peut être mesurée in situpar des différences de niveau piézométrique de part et d’autre de l’écran ou par des essais de pompage.

Il est possible de diminuer considérablement la perméabilité d’un tel écran par introduction dans le coulis, en fin d’excavation, avant sa prise, de feuilles de PEHD (polyéthylène à haute densité). Ces feuilles, d’une épaisseur de quelques millimètres, de 1 à 2 m de largeur et de longueur correspondant à la profondeur de l’écran, permettent d’obtenir un écran présentant une très faible perméabilité et une très bonne résistance aux agressions chimiques, en particulier aux hydrocarbures et aux agressions chimiques. La continuité entre les feuilles est assurée par la mise en place, dans une clef prévue à cet effet, d’un cordon hydrogonflant.

Dans certaines conditions, un écran étanche peut être réalisé avec la technique dite de l’ « écran mince ». Cette technique consiste à foncer, à l’aide d’une vibrofonçeuse, un profilé métallique (IPN de 50 à 80 cm de largeur et de 10 à 25 m de longueur) jusqu’à la profondeur voulue, puis à injecter sous pression le coulis autodurcissable à base de bentonite-ciment en remontant progressivement le profilé. La stabilité de l’excavation est assurée par le profilé à l’enfoncement et par le coulis à l’extraction. La machine est ensuite avancée de la largeur du profilé pour une deuxième passe.

L’empreinte laissée dans le sol sert de guide pour le fonçage suivant. La répétition des fonçages permet d’obtenir un voile continu par remplissage de la saignée laissée par le profilé à la remontée et également par l’imprégnation par le coulis d’une zone proche du voile.

Cette imprégnation, dont l’importance varie avec la compacité du sol, permet d’améliorer la continuité du voile, donc son efficacité. La bonne exécution de l’écran est conditionnée par la vites de remontée d vibreur et la composition du coulis.

Cette technique par fonçage est particulièrement adaptée compte tenu de sa facilité de mise en œuvre et sa rapidité d’exécution à des problèmes de pollution nécessitant l’isolation rapide d’un site. Elle est réalisée sans extraction de sol. En revanche, son domaine d’utilisation est limité aux sols formés d’alluvions à faible compacité et ne contenant pas d’élément supérieur à 50 – 100 mm. La profondeur est, dans l’état actuel des capacités des matériels de chantiers, limitée à 20 – 25 m. L’écran de faible épaisseur n’a pas de résistance mécanique importante mais il s’oppose aux déformations naturelles du terrain et aux pressions hydrostatiques.



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