tout en o rant à toutes les pièces des vues, l’empilement de deux volumes en béton répond à la dualité du programme.

Comme tant d’architectes, Jean-Baptiste Pietri considère que si l’envie d’architecture n’est pas partagée avec le commanditaire, un bon projet est impossible. Demeure d’un ingénieur rencontré sur l’un de ses précédents chantiers et aboutissement d’un long processus de conception en commun, la maison édifiée dans un quartier situé sur les hauteurs d’Aix-en-
Provence, réunit selon lui ces conditions. À mi-chemin entre campagne et ville, le site était en lui-même un morceau de choix offrant de très belles vues sur le paysage et la ville. Et si la maison se trouve dans un quartier de grandes parcelles où elle cohabite avec d’autres, il y a peu de covisibilité.  

Le terrain pentu d’un programme binaire

En composant avec la pente du terrain et ce programme de demeure contemporaine pour un couple dont les trois filles retournent au bercail pour des vacances avec époux et enfants, l’architecte organise l’édifice sur deux niveaux. Voué aux espaces de réception et à la suite parentale, le rez-de-chaussée est surplombé par l’étage des filles. Pour être bien ancrée sur ce terrain à forte pente vers le sud, la maison repose, telle une île minérale dans le paysage, sur l’assise d’un socle en béton teinté dans la masse pratiquement carré. « La vue est ici un élément de composition », dit l’architecte. « Grand amateur des villas de Franck Lloyd Wright, John Lautner, des case study houses et de toutes ces maisons américaines où l’entrée et le garage sont mis en scène, je m’en suis inspiré tout en profitant de la programmation différenciée qui m’était demandée pour créer un porche d’entrée à l’américaine et un vrai usage du sol. » Pour scénographier cette entrée, le porche articule ainsi deux volumes désaxés qui se superposent. Surmontant le plan en « L » du rez-de-chaussée, la barrette de l’étage s’appuie sur le petit cube du garage qui se décale en diagonale face au parvis d’entrée. À l’opposé, une loggia abritée trouve son prolongement naturel dans la cuisine d’été extérieure et la terrasse jouxtant la piscine. En résulte une architecture sobre qui trouve sa place à flanc de colline. 

À l’intérieur, où le séjour et la cuisine s’ouvrent sur le paysage alentour à travers une grande baie vitrée, les différents espaces s’enchaînent avec fluidité en faisant la part belle aux murs blancs qui captent la lumière. Un petit salon plus intime doté d’une cheminée se détache du séjour et le béton brut réapparaît sur le mur d’entrée et celui de l’escalier. À l’étage, les chambres profitent de vues dégagées sur les vallées. Desservies par un long couloir éclairé, elles ont toutes leur propre salle de bains et sont réunies par un espace de détente commun. 

Une matérialité servie par du béton autoplaçant  

L’architecte reprend ici un béton autoplaçant à base de ciment blanc coulé en place identique à celui qu’il a déjà utilisé pour une opération de logements réalisée dans la région. À propos de ce matériau qu’il affectionne particulièrement, il précise : « Ce béton teinté dans la masse a une qualité moderne et noble. Traité dans des tonalités de pigments en accord avec le paysage et la teinte beige sablée de la pierre de taille des maisons aixoises, ce matériau s’en rapproche beaucoup par sa texture et sa minéralité. » 

Il salue au passage le travail réalisé par l’entreprise : « Des artistes du béton qui ont fait un superbe travail pour atteindre la qualité de matière et de texture que je souhaitais. En tirant parti des ressources du béton autoplaçant qui évite le bullage, nous avons testé et exposé aux diverses heures de la journée différents échantillons pour obtenir la teinte et le fini soigné désirés. » Tout en supprimant les vibrations, ce matériau ultra fluide mis en œuvre à la pompe et avec des cheminées de coulage a permis de couler à vitesse constante et sans reprise des murs toute hauteur de 3,5 m.

Calepinage et franchissement

« Pour obtenir dès le décoffrage la qualité d’épiderme recherchée, nous avons veillé à supprimer toutes les malfaçons potentielles en utilisant des coffrages parfaitement plans et des banches totalement lisses. Nous avons aligné ces banches que nous avons habillées d’une couche de panneaux de contreplaqué et, pour mieux unifier la surface de la peau coffrante, nous avons appliqué sur les jonctions une fine couche de mastic », dit Jonathan Colombier. 

Conducteur de travaux au sein de l’entreprise Ovatis Concept, il a suivi le calepinage dessiné par l’architecte. Exprimés sur les façades de la maison, les trous des écarteurs de banches sont aussi réglés par un calepinage très précis afin d’obtenir un parfait alignement. Employé pour les voiles périphériques et tous les ouvrages visibles du projet, ce même béton autoplaçant est mis en œuvre pour les parties horizontales de la maison et notamment pour le plancher de franchissement du porche d’entrée et le porte-à-faux de la loggia extérieure (8 m de portée). 

Pureté volumétrique en zone sismique

La maison se situe en zone de sismicité 4. Sa structure en béton est conçue pour répondre à la réglementation parasismique qui s’y applique. Gage de sécurité, l’emploi du béton autoplaçant garantit le parfait enrobage des treillis et armatures des éléments de structure. Certains murs sont dédoublés et des noyaux de stabilisation créés, en particulier au niveau de l’espace d’entrée notamment, ce qui permet de dissimuler les joints parasismiques ou de réduire leur épaisseur.

Les propriétaires ne souhaitaient pas la présence d’éléments de protection solaire de type « casquette », qui seraient venus perturber la pureté des lignes et la volumétrie de la maison. Ce sont donc des persiennes en bois qui glissent au ras des façades pour protéger les espaces intérieurs du rayonnement solaire direct et apporter de l’ombre en été. Elles viennent en parfaite harmonie dans l’enveloppe en béton.

La maison est conforme à la RT 2012. Elle est chauffée en hiver et rafraîchie en été par l’intermédiaire d’un plancher chauffant/rafraîchissant.

Reportage photos : Mathieu DUCROS

Maître d’ouvrage : privé – Maître d’œuvre : Pietri Architectes – BET structure : OGC – Entreprise gros œuvre : Ovatis Concept – Surface : 350 m2 SDP – Coût : non communiqué – Programme : maison familiale, espaces de réception, suite parentale et trois chambres, salon, cuisine et salles de bains, loggia abritée, piscine et cuisine d’été.



0 commentaires
CAPTCHA
Voir aussi
  • 01/11/2016
    SOLUTIONS BÉTON
    Rénovation, extension, surélévation
    Que ce soit pour des raisons sociales, environnementales, économiques, la rénovation occupe une part croissante dans la construction de la ville qui se renouvelle sur elle-même afin de répondre à un besoin de compacité incontournable. 
  • 01/06/2002
    REVUE

    Construction Moderne n°110

    Chaque jour, nos villes s’enrichissent d’édifices dont l’architecture et les espaces répondent aux contingences de notre société. Nous sommes sensibles aux qualités esthétiques de l’architecture contemporaine dans la multiplicité de ses expressions, au niveau de ses formes comme de la fluidité et de la luminosité de ses espaces intérieurs.
  • 01/11/2004
    REVUE
    Construction Moderne n°118
    Qu’ils soient classés monuments historiques, situés dans une ville inscrite au patrimoine mondial de l’Unesco ou simples témoins de l’histoire des hommes, les édifices anciens peuvent nécessiter une intervention contemporaine pour continuer d’exister et de jouer un rôle dans la cité.