UN ENJEU DE SANTÉ PUBLIQUE ET DE PROTECTION DE L’ENVIRONNEMENT

Une station d’épuration des eaux  usées est alimentée par un réseau d’assainissement collectif (réseau unitaire, qui évacue les eaux usées et les eaux pluviales dans la même canalisation, ou réseau séparatif, qui collecte les deux types d’eau dans des canalisations séparées).

Ce réseau est constitué de canalisations, en général en béton, qui collectent les eaux usées et pluviales et les acheminent par gravité jusqu’à la station où elles sont traitées.

Le traitement des eaux usées a pour objectif de les dépolluer pour qu’elles n’altèrent pas la qualité du milieu naturel dans lequel elles seront ensuite rejetées. Il constitue une phase fondamentale dans le cycle vertueux de l’eau.

Il répond à deux préoccupations essentielles :

  • préserver le patrimoine naturel et la qualité de vie en jouant un rôle de protection sanitaire des populations et en contribuant au maintien de la qualité de l’environnement et des activités liées à l’eau ;
  •  préserver les ressources en eau.

Le traitement des eaux usées est donc un enjeu de santé publique et de protection de l’environnement encadré par une réglementation européenne de plus en plus exigeante.

La loi sur l’eau de 1992 définit les débits de référence pour les stations de traitement des eaux et les performances minimum à atteindre. La Directive Eau Résiduaire Urbaine (DERU) a renforcé les exigences environnementales en particulier concernant le phosphore et l’azote.

La station d’épuration est composée de deux filières de traitement : la filière eau qui épure les eaux selon trois principales phases (traitements primaire, secondaire et tertiaire) et la filière boue qui traite les boues issues des divers traitements.

LE TRAITEMENT PRIMAIRE 

Il permet d’éliminer les huiles et les matières en suspension (sables, déchets grossiers, bois, papiers, plastiques…). Il comprend diverses opérations : dégrillage (les eaux passent à travers des grilles de plus en plus fines qui retiennent les déchets volumineux), dessablage (dépôt des sables dans le fond des bassins),  dégraissage et déshuilage (remontée en surface des graisses et des huiles grâce à l’injection de fines bulles d’air) et décantation primaire (dépôt par gravité des matières solides en suspension au fond des bassins).

LE TRAITEMENT SECONDAIRE 

Il est destiné à éliminer diverses matières en solution dans l’eau (substances minérales, matières organiques…). Il fait appel à deux types de traitements : les traitements physico-chimiques pour les matières non organiques et les traitements biologiques appliqués aux matières organiques.

  • Les traitements physico-chimiques (floculation, centrifugation, filtration, oxydation, réduction chimique, osmose) transforment les polluants non biodégradables en suspension dans les eaux en substances non toxiques, à l’aide de réactifs.
     
  • Les traitements biologiques aérobies utilisent des bactéries pour dégrader les impuretés organiques dans des bassins d’aération. Ils reposent sur la sédimentation des matières en suspension qui conduit à la formation de boues et sur l’activité biologique des bactéries qui se multiplient et absorbent les matières organiques. Des procédés biologiques artificiels (lits bactériens, boues activées et biofiltration accélérée) permettent d’améliorer les transformations et donc d’assurer une meilleure destruction des matières organiques. 

LE TRAITEMENT TERTIAIRE  

Il permet d’éliminer la pollution bactériologique, l’azote (nitrification pour limiter les risques d’eutrophisation) et le phosphore (déphosphatation).

LE TRAITEMENT DES BOUES 

Les diverses opérations précédentes aboutissent à la formation de boues. En fonction de leur valorisation, elles font l’objet d’un traitement et d’un conditionnement permettant de réduire leur volume (déshydratation pour diminuer la teneur en eau) et de les stabiliser (traitement biologique ou chimique) pour réduire la matière organique.

Les boues sont utilisées pour l’amendement des sols agricoles, pour l’élaboration de compost. Elles peuvent être aussi incinérées ou valorisées dans une unité de méthanisation. 

QUELQUES CONSEILS POUR LA FORMULATION DES BÉTONS, LA CONCEPTION DU FERRAILLAGE ET POUR LES OPÉRATIONS DE BÉTONNAGE

L’application de quelques règles de l’art et principes de prévention élémentaires respectés au niveau de la formulation du béton, de la conception de l’ouvrage et lors de sa réalisation permet d’obtenir des bétons résistant durablement aux agressions chimiques spécifiques aux stations d’épuration.

DES BÉTONS COMPACTS 

La compacité du béton conditionne sa durabilité. Le béton résiste d’autant mieux à l’action des eaux agressives que sa porosité est faible.

Les principaux facteurs prépondérants au niveau de la formulation d’un béton pour obtenir une compacité élevée (donc une faible porosité) sont :

DES BÉTONS TRÈS PEU PERMÉABLES

L’étanchéité est une question clé pour les ouvrages destinés à contenir des liquides. 

Pour obtenir une étanchéité satisfaisante à l’eau du béton, quelques conditions essentielles doivent être remplies :

  • maîtriser les déformations du béton, en particulier le retrait ;
  • prévoir des armatures correctement dimensionnées et positionnées pour limiter et contrôler la fissuration du béton ;
  • prévoir des joints de dilatation et de retrait ;
  • planifier les joints de reprise et de construction ; 
  • réaliser un béton compact.

Il en découle des contraintes à respecter lors de la réalisation pour éviter toutes fuites ultérieures :

  • maîtriser parfaitement le positionnement des armatures ;
  • apporter un soin particulier pour la réalisation des reprises de bétonnage ;
  • minimiser l’effet du retrait en réalisant des plots de bétonnage ;
  • disposer des feuillards et des joints hydrogonflants au niveau des reprises de bétonnage ;
  • assurer la continuité des armatures au droit des reprises de bétonnage ;
  • reboucher sur toute l’épaisseur les trous traversant pour le passage des tirants assurant le maintien des coffrages ;
  • créer des zones de clavage : joints provisoires de retrait laissés ouverts et bétonnés ultérieurement.

UN FERRAILLAGE ADAPTÉ ET LE RESPECT DES VALEURS D’ENROBAGE DES ARMATURES

Le respect des épaisseurs d’enrobage déterminées à partir des classes d’exposition associées à chaque partie d’ouvrage permet de maîtriser le risque de corrosion des armatures.

Les armatures permettent de contrôler et maîtriser les divers retraits des bétons et d’organiser une microfissuration bien répartie. Les armatures bien réparties et en quantité suffisante (grande surface de contact armatures/béton) permettent de transformer d’éventuelles fissures ouvertes en de nombreuses petites fissures fermées qui ne compromettent pas l’étanchéité des bétons.

UNE VIBRATION ADAPTÉE ET UNE CURE SOIGNÉE

La vibration, gage de compacité du béton, doit être homogène et adaptée (fréquence de vibration, diamètre des aiguilles vibrantes, espacement des points d’introduction des aiguilles). 

La cure doit être efficace afin d’éviter tout phénomène de dessiccation excessive du béton au jeune âge qui conduirait à une hydratation incomplète du ciment et une microfissuration superficielle génératrice de porosité et de réduction de la résistance en traction du béton de la zone d’enrobage.

La cure doit être assurée le plus rapidement possible après le bétonnage. La durée nécessaire de maintien de la protection (assurée par exemple par la pulvérisation d’un produit de cure ou le maintien du coffrage en place) est fonction de la formulation du béton (type et dosage en ciment…) et des conditions climatiques.

Nota : Il convient aussi de limiter le risque éventuel de choc thermique lors du décoffrage (brusque refroidissement ou ensoleillement de la face extérieure du béton).

Les bétons de classe de résistance supérieure à C50/60 sont particulièrement adaptés pour les ouvrages constituant le process de traitement des stations d’épuration du fait de leur faible porosité, gage de durabilité face aux attaques chimiques.

Les bétons à ultra hautes performances (BFUP) peuvent être avantageusement utilisés pour la réalisation de certaines parties d’ouvrage soumises à des agressions extrêmes ou devant répondre à des exigences architecturales.

Les bétons autoplaçants (BAP), dont la mise en œuvre ne nécessite pas de vibration, sont particulièrement adaptés compte tenu de leurs propriétés à l’état frais pour la réalisation des ouvrages des stations d’épuration.

UNE MAITRISE DES RETRAITS ET DE LA FISSURATION

Des hydrates précipitent dès que de l’eau entre en contact avec le ciment. Ils s’organisent en constituant une structure qui va évoluer progressivement. Plusieurs phénomènes aboutissent, au cours des premières heures ou jours après le bétonnage, à une réduction du volume du béton, qui se traduit par un phénomène appelé retrait.

On distingue en fait plusieurs retraits du béton :

  • retrait endogène ou de dessiccation généré par la réaction d’hydratation ;
  • retrait plastique lié à l’évaporation de l’eau de gâchage ou à l’absorption par les parois du coffrage, au cours de la prise ;
  • retrait hydraulique dû au départ lent de l’eau après hydratation, au fur et à mesure du séchage du béton dans le temps, jusqu’à équilibre avec l’air ambiant ;
  • retrait thermique dû en particulier à l’abaissement de la température succédant à l’échauffement du béton occasionné par la chaleur d’hydratation du ciment.

Le retrait mal maîtrisé peut générer des fissurations superficielles ou traversantes du béton en particulier s’il est empêché et donc altérer la durabilité du béton. Il doit donc être pris en compte lors de la conception et du dimensionnement des ouvrages en concevant des dispositions constructives adaptées.

Nota : ces mécanismes de retrait ne doivent pas être confondus avec les variations dimensionnelles d’origine hygrothermique du béton qui sont générées lors de variation de la température extérieure.

Lors du refroidissement ultérieur du béton, des fissures peuvent apparaître lorsqu’un obstacle (par exemple un voile de béton encastré sur un radier) empêche le retrait de l’élément en béton. La contraction empêchée du béton se traduit par des contraintes de traction, qui si elles sont supérieures à la résistance en traction du béton, génèrent des fissures.

Des fissures peuvent aussi être générées par gradient thermique si la température de la surface diminue plus rapidement que celle au cœur de la structure.

La maîtrise du processus de fissuration du béton, d’autant plus nécessaire pour les ouvrages soumis à la pression de l’eau, exige des précautions au stade de la conception et du dimensionnement des ouvrages, mais aussi lors de la réalisation du chantier en optimisant l’ordre de bétonnage des différentes parties des ouvrages. 

Pour réduire les effets du retrait, il convient donc de bétonner les voiles le plus rapidement possibles après la réalisation des radiers afin de réduire les différences d’âge des bétons entre chacune des étapes de bétonnage de manière à limiter les effets néfastes du retrait différentiel entre étapes.

Nota : pour les ouvrages en grande masse, il convient d’utiliser des ciments qui développent une faible chaleur d’hydratation pour minimiser les effets du retrait thermique.

PRISE EN COMPTE DES CONDITIONS CLIMATIQUES LORS DE LA RÉALISATION DES OUVRAGES

Des dispositions spécifiques devront être prévues et mises en œuvre en fonction des conditions climatiques rencontrées sur le chantier, en particulier en période de temps froid (température inférieure à 5 °C) et en période de temps chaud (Température supérieure à 25 °C).

Ces dispositions, qui visent en particulier à maîtriser l’ouvrabilité et les cinétiques de prise et de durcissement du béton, concernent la formulation du béton, le choix du type de ciment et d’adjuvant (retardateur et accélérateur de prise…), la fabrication (température des constituants avant malaxage), le transport et les conditions de mise en œuvre et de cure du béton. 

RAPPEL

CLASSES DE CURE

Le choix de la classe de cure est fonction de nombreux paramètres : formulation du béton, valeur d’enrobage des armatures, conditions climatiques et caractéristiques géométriques de l’élément à bétonner. La classe de cure doit être précisée dans les spécifications d’exécution.

DURÉE D’UTILISATION DE PROJET 

Les normes de dimensionnement Eurocode accentuent la prise en compte de la durabilité des ouvrages en s’appuyant sur la notion de durée d’utilisation de projet, définie dans la norme NF EN 1990 Tableau 2.1 (NF).

La durée d’utilisation de projet est la période au cours de laquelle la structure est censée rester normalement utilisable en étant entretenue régulièrement, mais sans qu’il soit nécessaire de procéder à des réparations majeures.

Pour les ouvrages de Génie Civil, et en particulier pour les ouvrages participant au process des stations d’épuration des eaux usées, dont les travaux d’entretien et de maintenance sont délicats compte tenu des contraintes d’accessibilité et de continuité de service, la durée d’utilisation de projet à prendre en compte est de 100 ans.

CLASSES D’EXPOSITION 

Pour limiter les risques de développement de pathologies physico-chimiques, il est essentiel de formuler des bétons compacts, peu perméables et chimiquement résistants aux agressions et attaques (attaques acides, attaques du sulfure d’hydrogène, réactions sulfatiques…) en particulier dans les zones émergées ou situées en zone de marnage ou en atmosphère confinée.

Ces agressions sont d’autant plus fortes que l’humidité de l’air ambiant et la température sont élevées et que l’environnement est peu ventilé. Le choix des classes d’exposition est conditionné par une analyse chimique des effluents, des gaz et des boues générés par le traitement et une prise en compte des attaques et agressions potentielles des sols et eaux extérieurs aux ouvrages de traitement et en contact avec les bétons.

CLASSE D’EXÉCUTION

La norme NF EN 13670 introduit la notion de classes d’exécution, qui permet au concepteur, en fonction de l’importance de la structure ou de ses composants et des difficultés d’exécution, de préciser le niveau de management de la qualité adapté pour l’ouvrage à réaliser. 

À chaque classe d’exécution est associé un contrôle d’exécution spécifique. Pour les ouvrages des stations d’épuration des eaux usées, il convient de privilégier une classe d’exécution 3 qui comprend les contrôles suivants :

  • autocontrôle et contrôle intérieur systématique (toute partie d’ouvrage en béton ayant une importance sur la durabilité et la capacité portante de la structure : contrôle des coffrages, des armatures, du bétonnage, de la cure…) ;
  • contrôle extérieur indépendant.


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