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La ville d’Arcueil, commune aux portes de Paris, souffre d’une grande diversité de son tissu urbain, composé notamment de zones résidentielles enclavées, à l’instar du quartier résidentiel du Chaperon Vert, constitué de barres de logements datant des années 50. Initiée dans les années 2000, une vaste opération de rénovation urbaine tente d’y remédier en diversifiant les fonctions urbaines, en rénovant ces habitats, en offrant davantage d’équipements publics et en modifiant les flux de circulation.

Pivot urbain

Le projet conçu par Marjolijn et Pierre Boudry pourrait être qualifié d’emblème, par sa position, son programme et son architecture. Situé au cœur d’espaces publics partagés, il devait en orchestrer tous les croisements, marquer ce point névralgique et faire le lien entre plusieurs territoires. Inscrit au bout de la place Marcel Cachin et bordé par l’avenue Lénine, et les 1re et 2e avenues, cette nouvelle construction, cernée par l’espace public, accueille aujourd’hui 46 logements dans les étages supérieurs et, sur les deux premiers niveaux, un centre médico-social (CMS), pour lequel les architectes avaient pour seule mission la réalisation d’une coque vide. 

Occupant totalement la surface du terrain allouée, le bâtiment se perçoit comme un pivot autour duquel on peut tourner, offrant un fond de perspective à la place Marcel Cachin sans en refermer totalement l’espace – place qui aurait dû fonctionner comme le socle et le prolongement du bâtiment. 

Cette position stratégique et atypique a profondément influencé le traitement et la modénature des quatre façades du bâtiment, toutes majeures et chacune affichant une fonction spécifique sur ses deux premiers niveaux. La façade côté place est celle de l’entrée du centre médico-social, marquée par ses parois vitrées en double hauteur. 

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Chaque logement bénéficie d’un espace extérieur ouvert sur la ville.

L’accès aux logements se fait côté 1re avenue et l’accès au parking le long de l’avenue Lénine, alors que la 4efaçade intègre les accès livraisons du CMS. En dehors de son aspect pratique, cette répartition fonctionnelle engendre une différenciation visuelle parfaitement maîtrisée, en particulier grâce à la qualité des détails et aux matériaux mis en œuvre. 

En termes de volume, le bâtiment ne se perçoit pas comme une barre. Ceci est dû en partie à son épannelage progressif, avec une construction en R+5 côté place et en R+7 côté avenue Lénine, en réponse à un environnement constitué de petites barres en R+4 autour de la place Marcel Cachin et d’immeubles en R+10 le long de l’avenue Lénine. Outre cette répartition volumétrique, c’est avant tout par le traitement des angles et par un subtil travail de biais et d’évidements que le bâtiment ne dévoile pas immédiatement au passant son échelle réelle.

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Façade côté place Marcel Cachin, en R+5, pour intégrer l’échelle des constructions bordant cet espace public.

Une épure ciselée

Cette « sculpture » du volume sur ses quatre faces répond à une volonté architecturale tout en générant des volumes intérieurs de qualité et une plus grande interaction entre intérieur et extérieur. Ainsi, le biais créé en façade le long des 1re et 2e avenues permet de marquer les entrées mais surtout de multiplier les orientations et l’accès à de meilleures perspectives visuelles dans les appartements – une habile façon de pallier la compacité du bâtiment. Les différents évidements sont l’occasion d’offrir à chaque logement un espace extérieur, à la fois ouvert sur la ville et protégé, protection renforcée par l’ajout de brise-soleil et de garde-corps sérigraphiés. Les circulations bénéficient d’un éclairage naturel et d’une vue imprenable sur la cité. 

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Des appartements lumineux et dotés de matériaux de qualité.

Monolithe de béton blanc

Dans cet esprit, il apparaît comme évident que chaque détail a compté pour offrir un ensemble d’une très belle qualité. Ce souci d’une réalisation qualitative se retrouve au niveau des matériaux et à fortiori en ce qui concerne le béton, matériau phare de la structure et des façades du bâtiment, choisi par Pierre et Marjolijn Boudry pour des raisons précises, à la fois techniques et poétiques : « Le béton, pour nous, possède une capacité à pétrifier une intention architecturale de manière forte et extrêmement sensible, à la fois porteur d’une monumentalité par sa masse, mais aussi d’une grande intimité par son détail, le velours de sa peau. Ici, il scelle la forme, la matière et l’échelle locale et urbaine du site et trouve son expression dans cette compression de béton blanc finement matricé. »

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e long de l’avenue Lénine, la façade d’accès au parking, là encore un traitement des angles offrant un effet de retournement et une continuité visuelle sur l’ensemble du bâtiment.

Précisément, les architectes souhaitant offrir la perception d’un monolithe de béton blanc, les retours sur angle, les sous-faces et faces arrière, ainsi que des pans intérieurs ont été travaillés dans ce sens. En termes d’enveloppe, leur volonté était de créer un effet de matière qui accentue la sensation d’un grand bloc minéral à la peau rugueuse que l’on aurait évidé pour y créer des ouvertures. Leur choix s’est porté sur un béton matricé imitation bois, de deux types, l’un à effet planches larges et l’autre à lames étroites. Les façades ont été moulées et coulées en place avec une pose des matrices à la verticale quant au motif des planches et ce, pour deux raisons : il semblait important d’affiner la silhouette de la construction, mais aussi de faciliter le ruissellement des eaux de pluie, pour éviter, à terme, un encrassement des façades. La partition des panneaux à lames larges et étroites ne semble pas répondre à une logique apparente. Leur position, à priori aléatoire, renforce l’effet vibratoire apporté par le jeu des rythmes verticaux, qu’il s’agisse des joints entre panneaux, des reliefs des bords de planches, des brise-soleil, etc.

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Jeu de lignes renforcé par la variété des matières développées en façade.

Les éléments de structure non apparents, voiles et dalles, ont été également coulés en place, au même titre que les brise-soleil en béton blanc lisse réalisés sur le chantier et éprouvés par des essais au sac pour tester résistance du béton, armatures et fixation.

Plus inhabituels et eux aussi préfabriqués in situ, des réflecteurs de lumière en béton blanc lisse agrémentent la façade nord, tels de petits drapeaux rivés à la paroi. Enfin, pour réaliser la casquette à pans obliques qui couronne le bâtiment, le béton blanc fibré a lui aussi été coulé en place, mais dans un moule spécifique réalisé en atelier. 

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Le bâtiment et son épannelage progressif avec, à droite, la barre voisine en R+10.

Démarche environnementale et construction performante

Dès l’origine du projet, le maître d’ouvrage avait souhaité mettre en place un management environnemental de l’opération, comprenant études préalables et accompagnement spécifique. Le bâtiment occupant le dernier lot de la Zac, il était important que le chantier soit propre et génère peu de nuisances afin de gêner le moins possible les riverains. 

Une démarche environnementale qui a abouti à l’obtention, pour le bâtiment, de deux attestations de conformité, l’une à la certification Qualitel Effinergie+, plus exigeante que la RT 2012, et l’autre à la certification Habitat & Environnement, profil A. 

L’un des points forts de cette démarche concerne l’énergie et son économie. Ici, elle passe par une maîtrise des consommations électriques et surtout par la performance énergétique du bâtiment due principalement à la qualité de l’isolation, qui, même si elle est intérieure, pour préserver le béton apparent des façades, n’en est pas moins efficace avec des rupteurs de pont thermique au droit des planchers intermédiaires, une isolation des toitures accessibles et végétalisées, une isolation entre logements et locaux non chauffés, le choix d’un vitrage avec faible émissivité et remplissage argon, etc. 

Pour compléter ce dispositif isolant, des systèmes techniques performants ont été mis en place, dont le raccordement au réseau de chauffage urbain incluant des énergies renouvelables ou encore une ventilation mécanique hygro B simple flux, peu coûteuse et surtout facile d’entretien. 

Nouveau point d’orgue de la place Marcel Cachin, ce bâtiment y amène lumière et subtile monumentalité, ainsi que le supplément d’âme nécessaire à la renaissance du quartier.

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Fiche Technique 

  • Maître d’ouvrage : Sadev 94 
  • Maître d’œuvre : Atelier d’architecture et d’urbanisme Marjolijn Boudry & Pierre Boudry 
  • BET TCE et économie : Berim
  • BET HQE® : AGI2D
  • Entreprise générale : Ballestrero (Bouygues Construction île-de-France) 
  • Surface : centre médico-social, 1 021 m2 SDP ; logements, 2 764 m2 SDP
  • Coût : 1,3 M€ HT pour la coque du centre médico-social ; 4,99 M€ HT pour les logements Programme : coque pour un centre médico-social, 26 logements PLI et 20 logements PLS.


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