27 logements sociaux de centre-bourg
Aux Pennes-Mirabeau, les 27 logements collectifs conçus par l’agence Zakarian-Navelet constituent un îlot de béton beige teinté dans la masse rempli d’urbanité.

Sur les hauteurs des Pennes-Mirabeau, commune de Provence qui surplombe la belle ville de Marseille, l’agence Zakarian-Navelet a livré à l’automne 2023 un ensemble de 27 logements sociaux pour le bailleur Logirem-Erilia. À mi-chemin entre intervention urbaine et architecture, le projet transforme le site d’une ancienne école en un socle habité, en étroite résonance avec la topographie du lieu. Dans ce paysage vallonné, où les constructions se nichent à flanc de colline, l’architecture se donne comme une prolongation du sol, dans un rapport quasi géologique à la matière.

Installé en contrebas immédiat de l’église Notre-Dame de l’Assomption – bâtie au XIXe siècle sur un promontoire – le projet occupe une position singulière, charnière entre le haut du village et le tissu bâti plus diffus des faubourgs. Les bâtiments s’étagent de un à trois étages. Cette implantation tire pleinement parti de la déclivité pour réduire l’impact visuel du bâti, tout en offrant un maximum d’ouvertures sur le grand paysage. Au sud-est de la parcelle, le bâtiment le plus haut marque une proue urbaine, à la fois repère dans le lointain et point d’ancrage à l’échelle du quartier.

Un projet de couture urbaine
Plus qu’un simple programme résidentiel, l’intervention cherche à recomposer un morceau de ville. En redessinant une limite claire à l’est du site, l’élévation principale transforme l’ancien parvis de l’église en une place publique, renouant avec une tradition urbaine séculaire. « Nous avons voulu réinterpréter une grammaire commune ancrée dans notre mémoire collective : celle des places, avec leur rythme, leurs percements réguliers, l’unité de matériaux et une certaine sobriété », précise Stanislas Zakarian.
Au niveau des logements collectifs qui occupent la partie la plus haute en R+3, le bâti s’organise en U autour d’un patio central d’agrément qui assure un éclairement naturel efficace non seulement aux logements mais également aux espaces de distribution. Au pied de ce premier corps de bâtiment, une ruelle piétonne longe l’ancien mur de soutènement conservé de l’église et sert d’accès principal aux logements. Ce cheminement est structuré par un banc linéaire en béton gris d’un côté et une composition paysagère de l’autre, créant un parcours particulièrement soigné jusqu’à chaque entrée. « Comme dans un village, nous avons imaginé que l’on rentre chez soi par un espace public, propice à la rencontre », commente Stanislas Zakarian. Cette promenade, à la fois interface urbaine et espace partagé et paysager, réactive une circulation ancienne, longtemps abandonnée, en l’intégrant dans une continuité piétonne qui relie désormais le haut du village à son centre, en aval du terrain.
Cette attention portée aux circulations douces témoigne d’une volonté de redonner toute sa place au piéton. Dans un tissu pavillonnaire souvent dominé par la voiture, la réintroduction d’un espace public en cœur d’îlot affirme une ambition de durabilité urbaine, où la qualité des usages prime sur la logique résidentielle. Le fait que cet espace soit situé sur une parcelle privée, tout en restant accessible à tous, constitue une victoire précieuse pour les architectes dans un contexte de plus en plus marqué par la sécurisation des résidences.

Architecture du sol
Autre réussite du projet, son calage altimétrique : là où d’autres auraient terrassé ou surélevé, les concepteurs ont choisi d’habiter la pente. L’épannelage du R+1 au R+3 correspond aux différentes typologies de logements : maisons de ville en duplex en R+1 avec jardins privatifs, logements intermédiaires en R+2, appartements traversants ou bi-orientés en R+3. Cette gradation naturelle du bâti permet de dégager des vues multiples et de préserver la lecture de l’église dans la skyline du village.
Le traitement du socle prolonge cette approche géologique. Réalisé en béton coulé en place, il semble issu d’un mouvement tellurique, comme un plissement du sol qui dissimule adroitement le parking de 27 places tout en stabilisant la pente. Au-dessus, les logements affichent un béton beige teinté dans la masse qui reprend la couleur des appareillages principaux de l’église voisine. Cette matérialité rugueuse, expressive, conserve les empreintes du coffrage et participe d’une esthétique constructive assumée. Le béton, ici, se fait matière vibrante, presque minérale, renvoyant la lumière et la chaleur comme le ferait une pierre chauffée par le soleil.
Ce choix du béton brut beige, ponctué d’acier galvanisé et de menuiseries bois, est aussi un manifeste : celui d’une architecture économe, pérenne, et ancrée dans les ressources locales. L’usage du béton est ici repensé dans une logique d’intégration fine au site. Il s’agit là d’un geste de frugalité constructive, au sens le plus noble du terme.
Le soin apporté à la mise en œuvre, visible dans le calepinage des banches et le dessin des joints, confère à l’ensemble une précision rare pour du logement social. À l’échelle du détail, la matière raconte son propre processus de construction.

Unité constructive
Au-dessus du socle, l’architecture se déploie selon un langage cohérent et maîtrisé. Trois éléments en constituent la syntaxe : la trame, la fenêtre et la loggia. La trame, calée sur une largeur de 2,40 m, qui correspond à une banche de coffrage, structure l’ensemble des façades. Elle permet une mise en œuvre rationnelle et exprime dans la matière la rigueur du plan.
Les percements sont traités avec sobriété. Les fenêtres, tout en bois, sont composées d’un vantail simple, d’une allège vitrée fixe. Elles sont marquées par une feuillure dans le béton. Ce dessin sobre devient un motif répétitif qui donne son rythme à la façade. Les loggias, filantes, creusent la masse bâtie et offrent un espace tampon, thermiquement passif. À l’est, leur garde-corps en serrurerie galvanisée permet au soleil du matin de pénétrer largement dans les logements. À l’ouest, les allèges pleines filtrent la lumière de fin de journée et protègent les baies des surchauffes estivales.
Cette modénature subtile introduit une richesse dans l’expression du bâtiment. Elle s’adapte aux orientations et participe au confort des logements tout en renforçant la lisibilité de la façade. Chaque logement bénéficie ainsi d’un double rapport au site : un rapport frontal au paysage lointain et un rapport latéral à l’église. Ce soin dans l’orientation et la ventilation naturelle témoigne d’une attention fine portée aux usages et aux ambiances intérieures.
Une urbanité retrouvée
Évitant tout effet spectaculaire, ce projet s’attache à travailler la continuité du tissu, à renforcer l’épaisseur urbaine des lieux et à ménager des seuils d’appropriation. En réactivant une ruelle, en fabriquant une façade de place, en ménageant des vues cadrées et des espaces partagés, les architectes Stanislas Zakarian et Olivier Navelet proposent une autre manière de faire de l’architecture. Loin du tape-à-l’œil et des « effets waouh », elle est attentive aux usages, respectueuse d’un site, enracinée dans une culture méditerranéenne. Cette opération pose une question fondamentale sur la manière actuelle de produire du logement collectif. Montrant qu’en partant des spécificités d’un site, en travaillant à la bonne échelle, il est possible d’inventer des formes d’habiter à la fois contemporaines mais surtout intemporelles.
Qualités environnementales : Certifiée BEE+, RT 2012 - 20 %.
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Reportage photo : © We Are Content(s), © Stephen Dock, © Stanislas Zakarian
Fiche technique
- Maître d’ouvrage : Logirem-Erilia
- Maître d’œuvre : Zakarian-Navelet Architectes
- BET : Berim (TCE), Atelier Rouch (acousticien)
- Entreprise gros œuvre : Médiane et Spie Batignolles
- Surface : 1 690 m2 SDP dont 1 581 m2 SHAB stationnements souterrains
- Coût : 3,4 M€ HT (VRD et parking compris)
- Programme : 27 logements sociaux (9 PLUS, 8 PLAI et 10 PLS) — 23 collectifs et intermédiaires, et 4 maisons de ville — stationnement souterrain de 27 places.
Lauréat du Trophée béton pro 2024, catégorie Logement collectif.
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