L’espace de la rotonde s’ouvre à l’ouest sur un miroir d’eau et le jardin central.

Fondée en 1902, la société Air Liquide est aujourd’hui un leader mondial des gaz (oxygène, azote, hydrogène, etc.), technologies et services pour l’industrie et la santé. Le centre de recherche & développement d’Air Liquide a vu le jour en 1970 à l’entrée du plateau de Saclay aux Loges-en-Josas. Sur un terrain d’environ une dizaine d’hectares, entre le village et les terres agricoles, il se composait de pavillons à rez-de-chaussée ou R+1, répartis dans le site. Cette configuration ne favorisait pas la communication entre les chercheurs. Dans le courant des années 2010, il s’est avéré nécessaire de construire un nouveau centre de R&D. Ce dernier maintenant dénommé Campus Innovation Paris accueille l’ensemble de son personnel dans un édifice unique de 18 000 m2, conçu par l’atelier d’architecture Michel Rémon et Associés. Il se situe dans le cluster de Paris-Saclay, pôle d’excellence scientifique et technique de dimension internationale. Ce campus est le centre de recherche & développement de référence de ce groupe international. 

Les voiles courbes du hall et de l’auditorium, ainsi que les façades des laboratoires sont en béton autoplaçant blanc.

Un édifice héliotrope

« Ce projet occupe une place à part dans le parcours de l’atelier, nous avons partagé l’aventure de sa conception et de sa réalisation avec ses futurs occupants, en partant d’une page blanche », précisent les architectes Michel Rémon et Alexis Peyer. « Nous l’avons imaginé comme un ensemble architectural et paysager, composé d’une grande figure circulaire dans laquelle vient s’inscrire le nouveau bâtiment dédié à la recherche et à l’innovation. Cette grande figure en anneau dessine un tracé pour accueillir dans le futur d’autres bâtiments autour d’un grand jardin. Pour le centre R&D, nous avons dessiné un édifice héliotrope strictement positionné nord-sud qui s’oriente face à la course du soleil. Ainsi, le bâtiment se parcourt de l’intérieur depuis l’entrée au nord vers le sud, face au soleil, à travers de grands voiles béton que l’on franchit progressivement. L’implantation du bâti est à la fois rattachée au territoire mondial du groupe par cette figure circulaire, et totalement contextuelle, en rapport intime avec le village de Loges-en-Josas. »

Le centre de R&D se développe en peigne de part et d’autre de l’axe de circulation intérieure nord-sud long de 100 m.

Le centre de R&D se développe en peigne de part et d’autre de l’axe de circulation intérieure nord-sud long de 100 m et large de 8 m. Les trois ailes de bureaux sont positionnées à l’ouest et ouvertes sur le jardin au cœur du site. Celles des laboratoires sont disposées à l’est. Les trois niveaux de bureaux ainsi que les deux niveaux de laboratoires se greffent et s’imbriquent sur la longue circulation centrale. « Au-delà de son rôle de desserte de l’ensemble des bureaux et des laboratoires, cette “artère de la recherche” est conçue pour offrir des espaces informels de rencontres, des lieux de détente et des salles de réunion. Largement éclairée par la lumière naturelle qui filtre depuis des parois vitrées orientées à l’est ou à l’ouest, elle se développe sur trois niveaux. Elle est ponctuée de vides toute hauteur qui favorisent les interactions visuelles. Lieu unique de convergence de toutes les circulations du bâtiment, cette artère de la recherche constitue l’espace de rencontre de tous les utilisateurs du bâtiment. Cela répond à une demande très forte de notre maître d’ouvrage qui souhaitait que les chercheurs ne restent pas enfermés dans leurs laboratoires respectifs et que tous les collaborateurs du centre soient dans un lieu qui leur permette de se rencontrer, de se réunir, de travailler ensemble, d’échanger et de développer des idées… », précisent les architectes.

La coupole du hall rotonde reçoit une œuvre lumineuse de Yann Kersalé.

L’accès au centre se fait par le nord, où sont regroupés les espaces communs destinés à l’accueil et à la présentation des innovations du groupe. Le pavillon d’accueil assure la transition avec l’environnement extérieur et la réception des visiteurs. Il s’ouvre latéralement sur le hall rotonde de 26 m de diamètre. L’arrondi des parois vitrées, le voile courbe de béton brut et la coupole de couverture en structure métallique de type gridshell font de ce lieu un espace unique, sans gravité. Enveloppé dans la contre-courbe du voile de béton, l’auditorium de 100 places propose une ambiance feutrée. On y accède directement depuis la rotonde. C’est également dans le prolongement de cette dernière que se développe l’artère de la recherche avec ses accès contrôlés. Dans une perspective ponctuée de lumière, de dilatations spatiales, de vues diverses sur l’intérieur et l’extérieur, elle dessert tous les laboratoires et les bureaux, sans que l’on en perçoive l’extrémité. Les plateaux de bureaux présentent une grande flexibilité d’aménagement et sont agencés en open space de façon à favoriser le travail collaboratif.

 

 

En façades, leur architecture alterne les lignes horizontales vitrées des fenêtres en longueur et celles blanches des allèges. Les trois ailes des laboratoires sont organisées en modules de 30 m2 mutualisables. Entre chaque module, de grandes gaines verticales accessibles de l’extérieur permettent d’alimenter les laboratoires avec différents types de gaz. Les deux niveaux de laboratoires sont surmontés par un étage technique à l’air libre qui est destiné aux machines nécessaires à leur bon fonctionnement. Ces bâtiments sont caractérisés par la verticalité de leurs façades en béton brut scandé par le caillebotis habillant les gaines extérieures. La structure des bureaux est en béton coulé en place de type poteaux-poutres portant des dalles de plancher en béton précontraint. Pour les laboratoires, tous les éléments porteurs, refends, poteaux et façades sont également réalisés en béton coulé en place, ainsi que les voiles courbes du hall et de l’amphithéâtre. Ces derniers et les façades des laboratoires sont en béton blanc autoplaçant (BAP), pour éviter les joints de reprise de bétonnage visibles, comme le souhaitait l’architecte Michel Rémon. L’entreprise a coulé en une seule fois sur 13 m de hauteur ces différentes parties spécifiques dans des banches métalliques avec une paroi coffrante en acier inoxydable, pour obtenir un parement de grande qualité et très homogène. En fonction de leur longueur, les façades des laboratoires ont été réalisées en trois ou quatre levées successives. Les joints de reprise verticaux sont disposés au niveau des gaines d’alimentation en gaz et camouflés par les caillebottis. Dans les ouvertures des fenêtres en bandes des laboratoires, des cheminées de coulage permettent la bonne répartition du béton autoplaçant sur les 13 m de hauteur des coffrages.

Dans une perspective ponctuée de lumière, de dilatations spatiales, de vues diverses sur l’intérieur et l’extérieur, l’artère de la recherche dessert tous les laboratoires et les bureaux.

Le centre présente un haut niveau de performance énergétique. L’énergie renouvelable est fournie par une pile à combustible, alimentée en hydrogène, d’une puissance électrique de 100 kW et d’une puissance thermique de 125 kW. En toiture, 300 m2 de panneaux photovoltaïques viennent compléter le dispositif.  

Passage du hall à l’auditorium.

Les besoins énergétiques du bâtiment sont réduits grâce à sa conception passive, alliant performance thermique de l’enveloppe, intégration de protections solaires, ventilation naturelle traversante diurne et nocturne, îlots acoustiques suspendus, absence de faux planchers, brasseurs d’air. Ainsi, par exemple, dans les bureaux il n’y a ni climatisation, ni rafraîchissement. L’existence de plateaux en open space, la présence d’un dispositif de grilles de ventilation, installées sur les façades orientées nord-sud, permettent en été de faire circuler l’air frais pendant la nuit dans les locaux. Grâce à l’inertie du béton, les frigories stockées par les dalles, laissées brutes au plafond et recouvertes d’une simple moquette au plancher, sont restituées en journée (26 °C à l’intérieur à 16 h quand il fait 36 °C à l’extérieur). L’artère de la recherche est ventilée naturellement d’est en ouest par des ouvrants à lames de verre orientables. Les performances énergétiques et environnementales du centre répondent aux critères de la certification BREEAM excellent.

Les plateaux en open space et les grilles de ventilation en façades permettent en été de faire circuler l’air frais dans les bureaux pendant la nuit. Grâce à l’inertie du béton, les frigories stockées sont restituées en journée.

Fiche technique

Reportage photos : Sergio Grazia

  • Maître d’ouvrage : Air Liquide groupe
  • Maître d’œuvre : Michel Rémon & Associés
  • BET TCE : Setec Bâtiment
  • BET environnement : Tribu
  • Paysagiste : Agence Laure Planchais 
  • Concepteur lumière : Yann Kersalé – Snaik
  • Entreprise gros œuvre : Léon Grosse 
  • Surface : 18 000 m2 SHON
  • Coût : NC 

Programme : 48 laboratoires de recherche (1 440 m² utiles) ; bureaux (7 797 m² utiles) ; accueil, auditorium, salle immersive (2 000 m² utiles) ; 138 places de stationnement. 

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