Les parois moulées ont permis de stabiliser le terrain.

Le caractère exceptionnel de certains événements pluvieux entraîne des risques d’inondation par débordement des réseaux d’assainissement qui sont dimensionnés pour un débit courant, ainsi que le déversement non contrôlé de ces volumes d’eaux polluées dans les fleuves. Des solutions tampons sont aménagées pour écrêter les excès, afin de prévenir les risques d’inondation et éviter l’engorgement des canalisations ainsi que celui des équipements de traitement.

Protection de l’environnement

À lssy-les-Moulineaux (92), les habitants des rues Charlot et Gouverneur Éboué se souviennent encore des inondations de 2001. À la suite d’importantes précipitations, les réseaux d’assainissement, saturés, avaient laissé s’échapper des flots d’eau. À cela deux causes : Issy-les-Moulineaux est située au point bas d’un bassin versant et les réseaux d’assainissement sont unitaires, c’est-à-dire qu’ils recueillent à la fois les eaux usées et les eaux pluviales. Pour éviter que ne se reproduise ce genre de désagréments, le conseil départemental des Hauts-de-Seine a décidé de construire un bassin de stockage-restitution qui collecte temporairement le trop-plein d’eau pendant la durée d’épisodes pluvieux intenses avant de le restituer par débit contrôlé dans le réseau.

La construction de l’équipement répond au triple cadre réglementaire de la Directive européenne (1991) relative au traitement des eaux résiduaires urbaines, de la loi française sur l’eau (1992) garantissant la gestion équilibrée des ressources en eau « patrimoine commun de la nation », et de la Directive Cadre sur l’Eau (2000) pour un « bon état écologique » des eaux. « C’est en principe aux communes de maîtriser les ruissellements et le traitement des eaux pluviales », rappelle Sylvie Driollet, adjointe à la directrice de l’Eau des Hauts-de- Seine. « Mais dans la région parisienne et les départements de la Petite Couronne, la collecte des eaux usées et pluviales est une compétence communale, le transport relève du conseil départemental et le traitement est assuré par le SIAAP. »

Discrétion absolue

Le réservoir-tampon prend logiquement place dans un endroit stratégique, au point bas du bassin versant compris entre Issy-les-Moulineaux et Vanves. Mais son emplacement n’est pas commun : en raison du tissu urbain très dense, il vient se loger sous le stade Gabriel Voisin, « vide » urbain propice à l’intégration souterraine d’un tel volume. Complètement enterré sous l’équipement sportif, qui sera refait à neuf à l’issue des travaux, l’ouvrage a une profondeur utile de 25 m et un diamètre intérieur de 40 m. Sa capacité de 23 400 m3 – l’un des plus grands d’Île-de-France – est dimensionnée pour un pic de pluie décennal qui s’élève à 15 m3/s. Ainsi, malgré son gigantisme, le réservoir-tampon sera invisible.

« Il s’agit d’un vaste conteneur en béton, vide, construit dans la profondeur du sous-sol et destiné à recevoir les excédents d’eau qui, s’ils n’étaient pas pris en compte, déborderaient sur la voirie », explique Didier Laplanche, chargé d’opérations à la direction de l’Eau du conseil départemental 92. Pour les « petites pluies » qui ne présentent pas de risque d’inondation, l’utilisation partielle et contrôlée du bassin permettra de réduire d’environ 40 % les volumes annuels rejetés dans la Seine par les déversoirs du secteur d’Issy-les-Moulineaux.

Avec 25 m de profondeur et 40 m de diamètre, la capacité du bassin est de 23 400 m3.
Avec 25 m de profondeur et 40 m de diamètre, la capacité du bassin est de 23 400 m3.
900 m3 de béton coulé en un seul jour pour réaliser le radier.
900 m3 de béton coulé en un seul jour pour réaliser le radier.

Fonctionnement autonome

Le bassin est relié à deux collecteurs existants. Le premier, tout proche, via une canalisation. Le raccordement au second, plus éloigné (160 m), se fait au moyen d’une conduite creusée par un microtunnelier. Les eaux recueillies se déversent progressivement dans le bassin en passant par un vortex, sorte de coquille d’escargot en béton dont la forme circulaire amortit la chute de l’eau au fond du bassin pour ne pas endommager le radier. Les pompes qui récoltent les trop-pleins d’eau se déclenchent et s’arrêtent automatiquement grâce à des capteurs. Dix augets basculants déversent en fin de vidange des « vagues » de 8 à 10 m3 qui nettoient le radier. Une fois l’épisode pluvieux terminé, lorsque les flux ont retrouvé un cours normal, les eaux sont progressivement restituées – à débit maîtrisé – dans le réseau d’assainissement départemental puis traitées dans les stations d’épuration du Syndicat Interdépartemental pour l’Assainissement de l’Agglomération Parisienne (SIAAP). À terme, l’activité du bassin sera mesurée et transmise au centre de pilotage technique GAIA (gestion assistée par informatique de l’assainissement) qui gère l’ensemble du réseau d’assainissement départemental. Ces données, une fois traitées, servent à suivre le fonctionnement du réseau en continu.

Omniprésence du béton

Les travaux se sont déroulés en quatre phases. Après les fouilles archéologiques, a commencé le creusement des parois moulées (38 m de profondeur) afin de stabiliser le terrain. En parallèle, sont réalisées les deux canalisations de raccordement entre les collecteurs et le réservoir. La plus courte (12 m) est creusée en tranchée ouverte (tuyaux à collerettes, 2 m de diamètre) tandis que la seconde (160 m), en raison de la densité du bâti, est réalisée au moyen d’un microtunnelier selon la technique du fonçage : piloté à distance depuis la surface, le microtunnelier excave le terrain au fur et à mesure de sa progression en suivant un rayon de courbure de 300 m. Les 54 éléments en béton armé (3 m de long, 2 m de diamètre) sont introduits les uns après les autres dans un puits avant d’être poussés par des vérins hydrauliques. Pour assurer la maintenance, deux regards d’accès, des modules rectangulaires préfabriqués en béton, sont implantés le long de cette canalisation.

Le terrassement du bassin s’est déroulé en deux temps : d’abord une première excavation jusqu’à 15 m de profondeur, puis une seconde phase de terrassement pour creuser le bassin jusqu’à sa profondeur maximale (25 m), représentant 45 000 m3 de déblais. La présence de la nappe à 5 m de profondeur dans le terrain naturel a imposé des fondations à l’aide de 170 micropieux (20 à 30 m de longueur, 20 ou 25 cm de diamètre) qui s’ancrent directement dans le radier : 900 m3 de béton coulé en une fois, un samedi, seul jour compatible pour mobiliser une trentaine de compagnons, plusieurs toupies et deux centrales à béton. 12 barrettes ont ensuite été coulées. Elles correspondent aux poteaux de la structure en béton qui porteront les poutres longitudinales et transversales, supports de la couverture en béton constituée d’une dalle coulée en place sur des prédalles.

La direction de l’Eau des Hauts-de-Seine étant certifiée iso 14001 et compte tenu de la proximité des habitations, les entreprises se sont vu imposer des mesures environnementales drastiques afin de réduire les nuisances du chantier : horaires de travail modulés, adaptation du matériel, contrôle du niveau sonore, arrosage pour limiter la poussière, stationnement des camions dans le stade, laveur de roues à la sortie, système de surveillance topographique en temps réel pour veiller aux éventuels mouvements des bâtiments environnants, délimitation du chantier…

À l’orée de 2018, le stade Gabriel Voisin, après avoir été entièrement reconstruit sur le bassin, retrouvera sa vocation initiale. Sur le sol du stade seront tour à tour posés une couche (50 cm) d’agrégats de différentes granulométries, un revêtement fibré, du sable et des fragments de pneus recyclés et concassés pour assouplir le sol.

12 barrettes portent les poutres, supports de la couverture en béton.
12 barrettes portent les poutres, supports de la couverture en béton.
Deux vortex amortissent la chute de l’eau au fond du bassin pour ne pas endommager le radier.
Deux vortex amortissent la chute de l’eau au fond du bassin pour ne pas endommager le radier.

Synergie locale

La réalisation de ce chantier est le fruit d’un partenariat entre plusieurs collectivités :

  • l’établissement public territorial Grand Paris Seine Ouest (GPSO) est gestionnaire de l’équipement sportif
  • la ville d’Issy-les-Moulineaux est propriétaire du terrain
  • l’Agence de l’eau Seine-Normandie co-finance le projet
  • la maîtrise d’ouvrage est assurée par le conseil départemental, dont le patrimoine comprend 625 km de réseau, 38 stations de pompage, 4 collecteurs de stockage de grand diamètre et 6 bassins de rétention enterrés.

À la fois vice-président du conseil départemental et premier adjoint à la ville d’Issy-les-Moulineaux, Paul Sublini a souhaité accompagner les riverains pour valoriser l’intérêt général de ce chantier : organisation de visites, réalisation et visionnage d’un film pédagogique, réunion publique d’information en 2015 pour présenter aux riverains les travaux entrepris et leurs modalités d’exécution, information continue sur le site internet du département, de la ville et dans le journal municipal…

Chiffres clés

Bassin de stockage : 25 m de profondeur, 40 m de diamètre
Parois moulées : jusqu’à 38 m de profondeur
Capacité de stockage : 23 400 m3
Volume total des déblais : 45 000 m3
Volume de béton : 11 000 m3

VIDEO. Bassin de stockage d'eaux pluviales à Issy-les-Moulineaux. Stocker les eaux de pluie pour protéger le milieu naturel

Reportage photos: Delphine Desveaux, Didier Laplanche,  Quatrevingtdouze

Maître d’ouvrage : conseil départemental des Hauts-de-Seine – Maître d’œuvre : Safege, Artélia, Ligne Dau – Groupement d’entreprises (bassin) : Razel-Bec (Génie Civil) ; Sefi-Intrafor (fondations et parois moulées) ; Coteg (terrassements et dépollution des sols) – Fournisseurs béton : Unibéton (parois moulées) ; Lafarge (Génie Civil, structure) ; Cemex (radier) ; bétons de classe d’exposition XA2 et XA3 – Coût : 31 M€ HT.



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