Tour la Marseillaise

Elle porte bien son nom avec ses nuances de bleu, blanc, rouge qui discrètement l’habillent sur toute sa hauteur, la Marseillaise. Sa silhouette s’élance à côté de sa grande sœur la tour CMA CGM qui la dépasse à peine, conçue par l’architecte Zaha Hadid. Elle fait partie d’un projet d’ensemble de quatre immeubles :
le Balthazar, la Porte bleue, la tour la Marseillaise et H99, ces deux derniers étant des IGH (Immeuble de grande hauteur).
Cette opération, associant des bureaux et du logement de standing ainsi que des services et des commerces, est portée par le promoteur Constructa qui en a confié le plan d’ensemble à l’architecte Yves Lion.

Ce projet des quais d’Arenc s’inscrit dans le vaste programme d’aménagement urbain Euroméditerranée initié en 1995 par le maire de l’époque, Robert Vigouroux. Il occupe une ancienne zone industrielle, un site compris entre deux bretelles d’autoroute en viaduc et le terminal portuaire des ferries qui assurent des liaisons à travers la Méditerranée. À proximité du parc habité d’Arenc, le quartier d’affaires prolonge la Joliette, les Docks, Euromed Center, le Silo et, un peu plus loin, rejoint l’ancienne jetée n° 4 où se trouve le musée des Civilisations de
l’Europe et de la Méditerranée (Mucem).

Façade nord. Les menuiseries en aluminium qui encadrent le vitrage disparaissent dans l’allège en Bfup, accentuant l’effet de transparence.
Façade nord. Les menuiseries en aluminium qui encadrent le vitrage disparaissent dans l’allège en Bfup, accentuant l’effet de transparence.

« Légère comme un dessin d’architecture inachevé »

La Marseillaise marque le deuxième acte de ce projet de conversion des quais d’Arenc et est l’un des projets phares d’Euroméditerranée au sens propre, en tant que nouveau repère urbain, comme figuré, l’un des symboles du renouveau de la cité phocéenne.

La plus haute des trois IGH des Quais-d’Arenc, la Marseillaise, avec ses 31 niveaux sur une emprise en trapèze de 70 m de longueur, frappe par sa finesse et la manière dont elle rejoint le ciel : la trame de la façade se prolonge au-dessus du dernier niveau dans une version simplifiée qui encage, l’air de rien, la toiture plantée d’arbres dûment arrimés.
À l’autre extrémité, son socle de 12 m de hauteur dégagés par les éléments verticaux de la structure périphérique renforce cette apparente légèreté. Se glissent en rez-de-chaussée et de plain-pied 5 boîtes réservées à des activités commerciales dont les toitures sont autant de terrasses végétalisées abritées.

Façade sud.Par leur prolongement sur les faux plafonds, les couleurs des brise-soleil estompent la limite entre intérieur et extérieur.
Façade sud.Par leur prolongement sur les faux plafonds, les couleurs des brise-soleil estompent la limite entre intérieur et extérieur.

« Les terrasses plantées que l’on retrouve à différents niveaux de la tour évoquent le paysage des calanques et de Marseille avec au sommet les pins accrochés sur la colline », raconte l’architecte Nathalie Sasso, l’une des chefs de projet. Ouvert, côté sud, sur un vaste parvis aménagé dans la continuité des espaces extérieurs, le hall d’accueil surbaissé contraste avec la grande hauteur préservée autour du noyau de circulations verticales et sanitaires créant une aspiration verticale impressionnante. L’importance et la qualité des pans de béton haute résistance du noyau rendent cet espace attractif.
 

Le noyau a été coulé en place à l’aide d’un coffrage autogrimpant, qui a permis de réaliser un étage courant en 6 jours.  Des locaux techniques et la cuisine du restaurant interentreprises (RIE) occupent le premier étage. Sur les deux suivants se déploie le RIE à déjà plus de 20m au-dessus du sol et tourné vers la mer à l’ouest. Un escalier intérieur relie les deux niveaux, le niveau haut donnant en balcon sur le niveau inférieur.


En partie en double hauteur, donc, cet espace baigné de lumière naturelle bénéficie d’une vue large et lointaine grâce aux vitrages clairs toute hauteur, accentuant encore l’effet de projection dans le paysage.
Les brise-soleil en béton ajourés de la façade laissent ainsi filer le regard tout en créant une épaisseur atténuant la sensation éventuelle de vertige que donne à certains une grande transparence.

Le RIE partage le troisième étage avec la crèche qui profite de l’une des toitures-terrasses abritées. Au-dessus, les étages de bureaux, d’une superficie moyenne de 1 200 m2 répartis autour du noyau central de circulation, sont occupés par différentes sociétés dont la métropole qui y a rassemblé ses différents services sur 12 étages. Une circulation centrale distribue chaque niveau.

Tout en dentelle et couleurs, la grille en Bfup des façades sud et ouest semble particulièrement légère.
Tout en dentelle et couleurs, la grille en Bfup des façades sud et ouest semble particulièrement légère.

Une palette de textures

Dans toutes les parties communes et à tous les niveaux, le béton brut est laissé apparent. Les aspérités qui par endroits affleurent révèlent de la composition de la matière. Elles sont valorisées par un bouchardage, qui donne un rythme graphique. Des cabochons en verre sont insérés dans les trous laissés par les écarteurs de banche qui témoignent du processus de fabrication de la matière.

La minéralité de la ville et des paysages environnants se retrouve dans le traitement de la façade dont la perception varie en fonction de la distance et de la lumière. La grille qui enserre la tour et la singularise répond à une géométrie complexe et rigoureuse jouant avec une trentaine de teintes inspirées de celles caractéristiques de Marseille : les bleus de la mer et du ciel, les rouges des toitures de la ville, les blancs des nuages et des ciels de traine. Cette grille en béton fibré à ultra hautes performances (Bfup), composée de 3 818 éléments verticaux et horizontaux plus ou moins en saillie, assure l’étanchéité à l’air et à l’eau comme le C+D entre niveaux conformément à la réglementation incendie.

Façade est dont les nuances de bleu relient la terre, la mer et le ciel.
Façade est dont les nuances de bleu relient la terre, la mer et le ciel.
Depuis la mer, la façade nord rougeoyante de la Marseillaise émerge à côté de la tour CMA CGM : symboles d’un renouveau économique annoncé.
Depuis la mer, la façade nord rougeoyante de la Marseillaise émerge à côté de la tour CMA CGM : symboles d’un renouveau économique annoncé.

« Une trame mathématique ponctuée de tirets d’ombres et de lumières »

La trame et les couleurs diffèrent suivant l’orientation de la façade qu’elles habillent. En façades sud et ouest, les allèges en forme d’équerre ou de « L » se prolongent en saillie de 2 m de profondeur pour intégrer une coursive permettant d’assurer l’entretien. Des ailettes en Bfup assemblées à claire-voie étendent la coursive afin de parfaire sa fonction de brise-soleil. Des éléments verticaux ajourés, de 3,7 m de hauteur, complètent le dispositif au rythme d’un tous les 6 m. En façades est et nord, 40 cm d’épaisseur suffisent pour la partie horizontale. Les éléments verticaux pleins de ces façades s’accordent sur un pas resserré de 1,50 m.

Réalisés dans une usine à Marignane, tous les éléments en Bfup ont été peints de couleurs différentes en surface et sous-face dans un atelier installé dans le quartier voisin des Crottes avant d’être livrés sur le chantier au fil de son avancée, évitant le stockage sur place.

Fixé sur la structure primaire en acier du bâtiment par suspentes et vis decompression, l’ensemble du système a nécessité une appréciation technique d’expérimentation (Atex).
Il contribue à la régulation thermique et lumineuse de la tour qui répond aux standards environnementaux les plus exigeants.

Très bien isolé, le bâtiment a recours à un système de climatisation innovant raccordé à une boucle d’eau de mer qui capte l’eau froide directement de la Méditerranée réduisant ainsi la consommation d’électricité nécessaire au rafraîchissement de la tour. Le choix de matériaux réutilisables et durables, de peintures pérennes, le renforcement de l’acoustique, un système de récupération de l’énergie, des panneaux solaires pour alimenter notamment le RIE participent de l’écoconception de cette tour haute en couleur.

 

Principaux Intervenants

Texte : Ève Jouannais – Reportage photos : michèle clavel ; WE ARE CONTENTS

Maître d’ouvrage : Constructa Urban system – Mandataire du groupement de conception-réalisation : Travaux du Midi Provence (Vinci Construction France) – Maître d’œuvre : Jean Nouvel – Ateliers Jean Nouvel ; Équipe architecturale : Didier Brault, directeur de studio ; Alain Gvozdenovic, Vincent Delfaud et Nathalie Sasso, chefs de projet ; Tangram Architectes, architectes d’exécution (lots architecturaux et paysage) – BET structure : AEDIS et SIDF – BET façades : Arcora – BET fluides et QEB : ALTO Ingénierie – BET acoustique : AVEL – Ingénieurs Paysage : Ingénieurs et paysages – Entreprises générales : Groupement Dumez Méditerranée (mandataire) ; GTM Sud ; Travaux du Midi ; Crudeli ; SNEF ; Kone – Préfabricant des éléments de façades : Méditerranée préfabricationSurfaces : 37 574 m2 SUBL, 46 767 m2 SHOB – Coût : 113 M€ HT – Programme : tour de 135 m de hauteur sur 31 niveaux abritant un programme mixte composé de 35 000 m² de bureaux répartis sur 27 niveaux, un restaurant interentreprises, une crèche de 26 berceaux et 5 commerces situés en pied d’immeuble



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