La conception en petits volumes à r+4 introduit une échelle humaine au sein du quartier.

Le secteur du Mirail fait régulièrement la une de la presse régionale, mais aussi nationale… Situé au sud-ouest de la ville, celui-ci couvre trois quartiers, Mirail-Université, la Reynerie et Bellefontaine. Conçu par Georges Candilis, qui établit une trame urbaine nord-sud composée d’une série de barres formant une succession de Y, l’immense quartier est construit entre 1964 et 1972. C’est le rêve d’une ville nouvelle qui prend forme, avec l’urbanisme et l’architecture comme promoteurs d’un nouveau mode de vie.

Un contexte difficile

Aujourd’hui, ce secteur de la ville est touché de plein fouet par la pauvreté, la précarité, le chômage et menacé par le communautarisme et la radicalisation. Celui-ci est constitué de plus de 60 % de logements sociaux. Dans son article « Le Mirail, de l’utopie à la désillusion »paru dans Le Mondele 13 février 2014, Yves Bordenave explique : « Classé en septembre 2012 zone de sécurité prioritaire par le ministère de l’Intérieur, le Mirail des années 2000 est à mille lieues du rêve de Georges Candilis, l’architecte urbaniste grec, élève de Le Corbusier, qui en 1962 avait séduit avec son projet de ville-annexe – on ne disait pas encore ville nouvelle. Au départ, le Mirail devait accueillir 100 000 habitants autour d’un pari de mixité sociale et de nouveautés urbaines imaginées pour que les habitants dialoguent. (...) Si, jusqu’au début des années 80, le Mirail abritait une population disparate, tant socialement qu’ethniquement, cette période est révolue. La douce utopie de ses bâtisseurs a viré à la désillusion. De mixité, il ne reste guère de trace. Au contraire, le communautarisme menace. »

C’est dans ce contexte difficile, constitué de désillusion et de mal-être des habitants, que l’architecte Pierre-Louis Taillandier relève le défi de lutter à sa mesure contre ces contraintes. Il réalise, dans le secteur Bellefontaine, une résidence de 83 logements sociaux, 4 bureaux, un commerce, un local associatif et un centre de formation. Ainsi, c’est en conciliant ces différentes entités qu’il rejoint l’idée de mixité programmatique prônée par Georges Candilis quelque cinquante années auparavant.

Pour saisir la teneur du projet de l’agence, il semble nécessaire de revenir un instant sur les grands principes qui régissent sa démarche architecturale

La conception en petits volumes à r+4 introduit une échelle humaine au sein du quartier.
La conception en petits volumes à r+4 introduit une échelle humaine au sein du quartier.

Un jeu de plots 

En premier lieu, il s’agit de prendre les projets sous l’angle urbain, en ayant toujours conscience que le bâtiment est destiné à la ville et aux habitants, et non de concevoir une architecture « hors sol ». L’objectif est de répondre au plus près aux besoins des habitants en matière de qualité des espaces de vie ou de travail, des espaces de circulation et de rencontre, etc. « Beaucoup plus qu’un simple geste, chaque projet répond à la résolution de plusieurs équations mêlant le programme, les usages et les contraintes. Pour y parvenir, Pierre-Louis Taillandier a mis en place une méthodologie rationnelle qui permet de penser le projet en cinq dimensions : contextuelle, intellectuelle, technique, financière et sensible »,précise Pierre Leroy, responsable de la communication de l’agence.

Le projet des Carrés de Bellefontaine est composé de 7 plots articulés autour d’un patio central mi-planté mi-minéral, à la manière des jardins toulousains, que l’on ne découvre qu’une fois passée la porte cochère. Ici, les petits immeubles forment une sorte de protection à l’espace central très intime de la cour intérieure.

tous les logements sont dotés de balcons ou de loggias qui forment des avancées ou des espaces en creux, créant des perspectives variées depuis la rue.
Tous les logements sont dotés de balcons ou de loggias qui forment des avancées ou des espaces en creux, créant des perspectives variées depuis la rue.

Une architecture pérenne

Cinq plots s’élèvent à R+4 et derrière, quatre volumes de logements intermédiaires se situent au nord de la parcelle en R+2 et R+3.

Pierre-Louis Taillandier souhaitait ici conserver une trace du travail de Georges Candilis car il n’était pas question de renier le passé ni d’oublier complètement ce qui avait été réalisé antérieurement. C’est donc par le biais d’une volumétrie en quinconce qu’il affirme une certaine continuité urbanistique et architecturale avec son confrère. Ce dispositif présente en outre plusieurs avantages ayant également contribué au choix constructif. D’une part, il permet un travail en trois dimensions, avec la possibilité d’ouvrir les logements sur deux ou même trois côtés et de faire bénéficier ainsi les appartements de multiples orientations. D’autre part, du haut des quatre étages des plots, il exclut résolument l’effet barre, très présent dans cette partie de la ville, en inscrivant une échelle humaine au sein du quartier. Un dialogue s’instaure entre les immeubles eux-mêmes, mais aussi avec leur environnement. Les creux et les pleins, les vibrations engendrées par les jeux d’ombre et de lumière, créés par la présence des balcons et des loggias, font apparaître l’îlot comme un signal, une sculpture urbaine.

« Nous ne voulions surtout pas faire du “pas cher” même si nous construisons du logement social »,précise Pierre-Louis Taillandier, qui ajoute : « Nous avons choisi le béton pour une architecture de qualité et de pérennité. » 

Et de fait, l’ensemble offre au regard ses nombreuses parois de béton brut coulé en place, rythmées par le calepinage des joints creux qui ordonnent parfaitement les façades. Ceux-ci créent une continuité d’un plot à l’autre, ils établissent un raccordement entre les différents volumes. Les nez de balcon sont des panneaux préfabriqués de béton brut également. Ils se prolongent en bandes horizontales, cernées d’un joint, qui courent tout le long des murs.

Le dessin des fenêtres s’intègre dans le calepinage des façades ; verticalement sur les plots et horizontalement sur les volumes intermédiaires. La présence des trous de serrage des banches s’inscrit également dans la logique de ce travail graphique.

Béton, bois, métal

Sur ce projet, l’architecte joue la sobriété dans le choix des matériaux. Au béton lisse et simple, il associe le métal pour les garde-corps et les grilles de protection en soubassement, et le bois en lattes verticales pour les claustras, qui forment des brise-soleil.

La juxtaposition des différents volumes, leur disposition sur le terrain et leur composition architecturale créent des perspectives variées, aussi bien sur le quartier que sur le jardin.

Les surfaces amples des logements (du T2 au T5 : de 45 à 85 m2), leur double ou triple orientation, les larges baies vitrées des séjours, la présence pour chaque appartement de généreux espaces extérieurs sous forme de balcons (traités en saillie) ou de loggias (traitées en creux) offrent aux habitants un excellent confort de vie.

Les différents corps de bâtiment sont isolés par l’intérieur et des rupteurs de ponts thermiques sont mis en œuvre. Ainsi, les plots principaux sont conformes à la RT 2012 - 10 %, et le reste à la RT 2012.

La qualité architecturale et environnementale des Carrés de Bellefontaine, mais aussi son inscription urbaine qui ne renie rien du passé, en font un projet exemplaire du quartier, apportant des prestations de confort et d’élégance.

 

Principaux intervenants

Reportage photos : Roland Halbe

Maître d’ouvrage: KMG Promotion – Maître d’œuvre: Taillandier Architectes Associés ; Jean-François Sirvain, architecte – BET et gros œuvre : GBMP – BET acoustique : Sigma – SP totale : 6 601 m2SP – Surface: 7 200 m2 – Coût : 6,7 M€ HT – Programme : 83 logements collectifs (4 en accession libre, 79 en locatif social) : 6 T1, 19 T2, 43 T3, 9 T4, 6 T5, 4 bureaux, 1 commerce ou restaurant, 1 local associatif, 1 centre de formation (AMS, en l’occurrence), 20 places de parking.



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