Louise-Michel : l’école est un parc
L’agence d’architecture Hessamfar & Vérons renouvelle le quartier des Aubiers-Lac avec le groupe scolaire Louise-Michel, alliance de béton brut et de végétal.
Le décor urbain du quartier des Aubiers-Lac, situé dans le nord de Bordeaux, pourrait être celui de n’importe quelle banlieue des Trente Glorieuses. Au nord : un axe de circulation de grande largeur. Au sud : un ancien faisceau ferroviaire et des terrains vagues. Dans l’entre-deux : un grand ensemble d’une dizaine de barres, accueillant 3 500 habitants, soit 1 050 logements, tous sociaux, achevés en 1972 selon le plan directeur de Xavier Arsène-Henry.
« Le quartier n’est parcouru que par une boucle interdisant toute connexion avec les quartiers voisins », explique Christophe Gautié, architecte-urbaniste cofondateur de l’agence Flint, coordinatrice du projet urbain de ce quartier depuis 2016, qui s’efforce d’améliorer les perméabilités avec le reste de la ville. Il salue au passage la qualité des logements, tous en duplex traversants, inspirés des cités radieuses de Le Corbusier. Nécessaire pour « générer de la mixité et alimenter de nouveaux désirs », l’ancienne école primaire Jean-Monnet devenue obsolète a été rasée et remplacée par le nouveau groupe scolaire, qui porte le nom de la révolutionnaire de la Commune de Paris Louise Michel : une école-parc conçue et réalisée par l’agence Hessamfar & Vérons architectes associés.
Filtre végétal
« La construction d’une école au sein de ce quartier prioritaire de la ville marqué par l’omniprésence d’immeubles d’habitation type barres des années 1970, revêtait pour nous un sens particulier », soulignent les architectes. « Au-delà du programme et de la parcelle affectée, nous nous sommes attachés à concevoir un équipement qui contribue à redéfinir positivement l’image du quartier et améliorer durablement le cadre de vie de ses habitants. »
Le nouveau groupe scolaire Louise-Michel est implanté à quelques dizaines de mètres de l’ancien. Malgré les deux fois deux voies de la routière allée de Boutaut qui longe son versant ouest, la situation de la parcelle n’en est pas moins idéale.
Côté sud, le parvis offre un lieu apaisé de grande qualité, bordé par une crèche et des jardins familiaux. Des allées piétonnes tout aussi sécurisantes flanquent le nord et l’est du terrain. Aux quatre points cardinaux, un retrait de 3 m par rapport aux limites parcellaires vise à protéger le bâtiment des incivilités urbaines. Cette bande non aedificandi permet la création de talus végétalisés qui mettent à distance les locaux d’enseignement de l’espace public. 100 % naturel, simple mais efficace, le dispositif préserve les salles de classe des regards extérieurs. Au travers des baies vitrées, les élèves ne perçoivent ni la voirie ni les passants, mais un rideau végétal, ainsi qu’une bande de ciel. La lumière du jour est bien présente, mais l’espace intérieur reste domestique, hors du chaos de la ville.
Béton immuable
Cet écran paysagé de sauvegarde de l’institution scolaire s’accompagne de « pergolas » de béton placées en pourtour de la construction, à l’étage comme en rez-de-chaussée. Ce n’est pas la première fois qu’Hessamfar & Vérons utilise un tel système horizontal de brise-soleil en porte-à-faux des façades. En 2019, l’agence avait imaginé un dessin à peu près semblable pour son « projet d’extension du Repos maternel de Gradignan », rappelle Marjan Hessamfar.
À l’échelle du quartier, les « pergolas » de l’école Louise-Michel présentent un triple intérêt : surligner la limite de propriété, homogénéiser et monumentaliser l’équipement qui, bien que doté de 4 200 m de surface de plancher, ne compte qu’un étage sur rez-de-chaussée. L’architecte Joe Vérons déclare en outre préférer l’immuabilité du béton brut de ses brise-soleil, ici doublés de stores intérieurs en toile, à la fragilité des BSO (brise-soleil orientables) dont l’efficacité et la pérennité sont tributaires de la gestion qui en est faite par les usagers.
Afin d’obtenir un meilleur rendu, et faciliter la gestion du chantier, « les rives, ventelles et bandeaux sont réalisés en béton préfabriqué », rapporte, de son côté, Emmanuelle Lausent, cheffe de projet chez Hessamfar & Vérons. Au droit des baies vitrées, des « éléments en L servent de fond de coffrage pour le coulage des poutres de rive, sur lesquelles sont clavetées les ventelles ».
Vertus de la trame
La trame de ces dernières est réglée sur un pas de 60 cm, qui est le mètre étalon du bâtiment. Menuiseries des baies vitrées, ouvertures des salles de classe sur les couloirs, dalles de faux plafonds en laine de bois… : tous les ouvrages, ou presque, présentent des écartements ou des largeurs de 60 cm et de ses multiples. Fixée à 7,20 m, la trame des poteaux en béton coulés en place en retrait des façades n’échappe pas à la règle. « Sur le chantier, les différents corps d’état ont la même dimension de référence », justifie Emmanuelle Lausent. Aux Aubiers, comme ailleurs, « nous cherchons à fabriquer des bâtiments génériques, plus faciles à faire évoluer en cas de changement d’usage ou de destination », précise Joe Vérons. La structure du groupe scolaire est ainsi faite de refends longitudinaux et de poteaux périphériques qui autorisent le redimensionnement des salles de classe. La stratégie de distribution des locaux est classique, mais universelle. L’aile ouest comporte une circulation centrale, tandis que l’étage de l’aile nord, très épais, accueille deux couloirs de part et d’autre d’un noyau traversé par trois patios. Deux d’entre eux éclairent naturellement les espaces. Le troisième est réservé à la centrale de traitement d’air, de sorte qu’aucun élément technique ne dépasse de la toiture-terrasse, couverte de végétalisation extensive et de panneaux photovoltaïques.
Justesse de la répartition
À la rectitude du dessin et de la trame s’ajoute la rigueur de la répartition du programme. Sur le parvis, deux entrées distinctes mènent aux cours de récréation des grands et des petits, discrètement séparées par une grille de faible hauteur. Logiquement, le rez-de-chaussée accueille l’école maternelle et le périscolaire. Les deux réfectoires et leurs préaux sont placés au centre de la composition. L’étage, quant à lui, abrite l’école élémentaire. Implanté en retrait du rez-de-chaussée, il est cerné de plates-bandes végétalisées qui donnent à voir les floraisons des saisons. Ici, comme dans le reste du bâtiment, la nature structure les ambiances en contrebalançant la minéralité des matériaux. Qu’il s’agisse des cours de récréation (ponctuées de petites cabanes de bois) ou du toit-terrasse de l’aile ouest (où les élèves peuvent s’essayer à la culture potagère au milieu de massifs arbustifs dotés de plus de 1 m de terre), on observe le même pouvoir de pacification de la petite échelle et des végétaux. Si loin si proche : à mille lieues des barres des Aubiers, la construction des « nouveaux désirs ».
Localiser la réalisation
Reportage photo : © Jean-Francois Tremege
Fiche technique
- Maître d’ouvrage : Bordeaux métropole
- Maître d’œuvre : Marjan Hessamfar & Joe Vérons architectes associés
- Paysagiste : Haristoy Landscape
- BET : Khephren Ingénierie (structure) ; Choulet (fluides et HQE®)
- Entreprise structure gros œuvre : Cobat
- Préfabrication : ABSL (ventelles), Viguetas Navarras (dalles alvéolaires)
- Surface : 4 178 m2 SDP
- Coût : 11,3 M€ HT
- Programme : groupe scolaire de 11 classes de maternelle, 17 classes d’élémentaire, salles de repos, d’activité, de motricité, polyvalente, administration, restauration, 2 cours, 1 jardin.
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