La maison est fractionnée en plusieurs volumes incrustés dans la pente.

Tout d’abord, on voit la mer. Transparente et énigmatique, avec des profondeurs bleues et vertes et, à l’horizon, ces îles qu’on surnomme d’Or tant leurs parois de micaschistes scintillent sous le soleil. Ensuite, il y a la côte. Un trait volcanique qui dissimule des criques sablonneuses au creux des rochers. Et puis, on découvre cette pente dévalant jusqu’à la Grande Bleue, ce morceau de maquis, couvert d’une végétation luxuriante où se mêlent pins d’Alep, myrtes, romarins, pistachiers, et tant d’autres espèces odorantes. Enfin, on découvre quelques murets de pierres sèches traçant, parallèlement à la plage, les indices d’une ancienne présence humaine. Et rien de plus, si ce n’est le bruissement des cigales sous le soleil.

Le béton brut, le verre et la pierre sèche dialoguent avec la végétation luxuriante de la riviera.
Le béton brut, le verre et la pierre sèche dialoguent avec la végétation luxuriante de la riviera.

Accueillir

La commande est simple, aussi simple que le site est merveilleux : une maison de vacances pour vivre au grand air, en lien avec la nature. Il faut envisager le maximum de chambres par rapport à la constructibilité autorisée de manière à accueillir en toute intimité les quatre générations de la famille – de l’aïeule aux arrière-petits-enfants – ainsi que les proches amis. Les pièces doivent donc être nombreuses. Une dizaine, de taille raisonnable, toutes équipées d’une salle de bains et complétées par de généreux espaces communs : une cuisine ouverte sur la salle à manger, un séjour, un vaste salon d’été doté d’une grande table placée à l’abri des pluies, du vent et du soleil brûlant du Midi. Le tout, bien sûr, ouvert sur la Méditerranée.

Les parois extérieures, les plafonds et les refends intérieurs sont réalisés en béton brut dans des coffrages en pin.
Les parois extérieures, les plafonds et les refends intérieurs sont réalisés en béton brut dans des coffrages en pin.
Les parois extérieures, les plafonds et les refends intérieurs sont réalisés en béton brut dans des coffrages en pin.
Les parois extérieures, les plafonds et les refends intérieurs sont réalisés en béton brut dans des coffrages en pin.

Ouverte sur la mer

Face à tant d’évidences, Pascal Grasso imagine un concept intemporel se référant à l’abri, à la caverne première. Pour atteindre une rusticité luxueuse que la modernité rendra confortable, il recherche les fonctionnalités essentielles, celle du confort du corps et de la plénitude de l’esprit. Fractionnant le programme, il dispose plusieurs volumes dans la courbe du terrain, en fonction des orientations et des points de vue. Et s’appuyant sur les murs de pierres existants, il dresse une maison ouverte sur la mer. Un premier collage esquisse le positionnement territorial des édifices et l’esthétique minimaliste propre aux courants artistiques qu’affectionne l’architecte. Inspirée par les œuvres du land art, son intention confronte la minéralité du béton brut et du verre au substrat et à la végétation de la côte. Et, comme les volumes s’incrustent jusqu’à disparaître, l’animation du paysage reviendra aux occupants de la maison : leurs mouvements se réfléchiront dans les parois vitrées durant la journée avant que, la nuit venue, la lumière électrique projette l’activité intérieure dans le jardin. Acteurs, ils seront aussi spectateurs de l’extraordinaire panorama qui s’offrira devant eux par des cadrages quasi cinématographiques. Tour à tour, ils profiteront d’ouvertures principales vastes comme des écrans géants, de fenêtres secondaires précises comme des plans fixes ou encore, dans les circulations, de baies aussi longiformes que des travellings. D’emblée, le commanditaire est séduit. C’est un amateur d’art, parfaitement au fait des courants architecturaux que développe l’architecte dans son activité de constructeur et de scénographe.

Les parois extérieures, les plafonds et les refends intérieurs sont réalisés en béton brut dans des coffrages en pin.
Les parois extérieures, les plafonds et les refends intérieurs sont réalisés en béton brut dans des coffrages en pin.
Les parois extérieures, les plafonds et les refends intérieurs sont réalisés en béton brut dans des coffrages en pin.
Les parois extérieures, les plafonds et les refends intérieurs sont réalisés en béton brut dans des coffrages en pin.

Un site escarpé

Issu d’un lotissement des années 70, le terrain est une pépite de la Riviera, réservée à sa descendance par l’acquéreur de l’époque. Il comprend deux accès. Un premier depuis la route supérieure, un second au bout d’une petite voie descendant vers la côte. C’est par ce chemin bas que l’on accède aujourd’hui à la propriété, comme si l’on arrivait de la mer. Là, entre la plage et les premiers contreforts rocheux, se développe le pavillon d’entrée : un long parallélépipède revêtu de bois sous lequel sont aménagés les garages. Sa toiture-terrasse accueille un deck que prolonge une piscine à débordement, rectangulaire et longiligne. Ainsi disposé, le bassin en inox trace une ligne d’eau turquoise dans le paysage verdoyant. Implantée au-dessus, la maison principale est desservie par les circulations douces qui gravissent les terrasses du jardin et par un ascenseur qui perfore la roche pour rejoindre les hauteurs.

 Les espaces communs ouvrent sur un vaste salon d’été protégé des pluies, du vent et du soleil brûlant du midi par un généreux porte-à-faux.
Les espaces communs ouvrent sur un vaste salon d’été protégé des pluies, du vent et du soleil brûlant du midi par un généreux porte-à-faux.
Depuis l’intérieur, le panorama s’offre par des ouvertures tour à tour vastes comme des écrans géants, ou cadrées comme des plans fixes.
Depuis l’intérieur, le panorama s’offre par des ouvertures tour à tour vastes comme des écrans géants, ou cadrées comme des plans fixes.

Encastré dans la pente

La résidence se compose de quatre cubes de béton brut encastrés dans la pente. Quatre volumes, de tailles différentes, qui tirent parti des plis du terrain pour proposer une composition sensible et nuancée, sans systématisme aucun. L’un est posé, l’autre en porte-à-faux, le troisième surélevé/décollé, le quatrième décalé. Implantées sur un même plan de référence, les boîtes de béton ne s’alignent pas en toiture, mais développent de légers décalages propices à parfaire leur inscription dans le site escarpé. Une osmose dont la réalisation ne fut pas une mince affaire tant le sous-sol était friable et hétérogène au point d’imposer la création d’une paroi berlinoise fondée sur un réseau de micropieux.

Installés de plain-pied sur un dallage de pierres de Tripoli, les espaces de réception et de convivialité se prolongent à l’extérieur sous le volume principal. La majorité des chambres composent l’étage. Desservies par un hall double hauteur, elles sont pour certaines agrémentées de terrasses accessibles. La plupart ouvrent directement sur la mer, tandis que l’arrière du bâtiment est dédié aux réserves, buanderies et accès de service.

Les intérieurs sont traversés par des murs de pierres sèches inspirés des ouvrages traditionnels présents sur le site. Extraits des carrières voisines de Bormes-les-Mimosas, les moellons de différentes tailles ont été scellés au mortier sur les structures en béton coulées au préalable. Ces ouvrages, qui marquent les circulations, se prolongent à l’extérieur en établissant un lien continuel avec le jardin grâce à la déclinaison de ce motif pour les rocailles, les emmarchements, les gradins et ouvrages de soutènement.

Coupe transversale
Coupe transversale
Depuis l’intérieur, le panorama s’offre par des ouvertures tour à tour vastes comme des écrans géants, ou cadrées comme des plans fixes.
Depuis l’intérieur, le panorama s’offre par des ouvertures tour à tour vastes comme des écrans géants, ou cadrées comme des plans fixes.

Parement en béton de planche

Les parois extérieures de la maison, tout comme les plafonds et les refends intérieurs, présentent des parements en béton brut de décoffrage. Forte de son savoir-faire, l’entreprise a construit ses coffrages en pin, à l’ancienne. Les planches présentent un profil identique de 14,2 cm de hauteur et 2,7 cm d’épaisseur et quatre longueurs différentes (1,30 m, 1,70 m, 1,90 m et 2,30 m). Un soin particulier a été porté au calepinage de manière à agencer les bois selon une apparence aléatoire tout en assurant la présence d’une planche entière pour l’arase supérieure des volumes. Avant le coulage, les peaux coffrantes ont été soigneusement sablées pour faire ressortir les veines du bois selon une intensité mesurée sur des prototypes.

La prouesse de mise en œuvre réside dans la continuité de la qualité d’exécution qui se retrouve tant sur les surfaces courantes que dans le traitement des détails, comme l’illustre le soin déployé en intérieur pour l’intégration des équipements électriques, à l’image des interrupteurs intégrés dans des engravures spécialement réservées à cet effet.

Pour faire face à l’agressivité des embruns, l’ouvrage a été réalisé dans un béton courant, traité spécialement pour le bord de mer. Les possibilités du matériau ont été exploitées sans ostentation, pour mettre en forme des volumes autoportants, structurés par des voiles et des planchers coulés en place. Mais aussi pour exécuter des formes audacieuses, à l’image de l’important porte-à-faux sous lequel est aménagé le salon d’été. L’ingéniosité développée pour intégrer les poutres inversées de 60 à 70 cm de hauteur dans l’épaisseur de la toiture-terrasse répond à celle qui a permis de réaliser des percements de façade aussi nets que s’ils avaient été découpés au diamant dans le béton. Pour ce faire, des réservations en creux et l’absence d’appuis ont rendu les profils des châssis vitrés parfaitement invisibles. De même, les menuiseries métalliques des grandes baies vitrées ont été dissimulées dans des gorges dimensionnées pour encaisser la flèche des structures de béton de plus de 8 m de portée. Ainsi disposés, les volumes intérieurs se prolongent à l’extérieur par de grands cadres en biseau formant brise-soleil. Une géométrie étudiée qui intègre les doublages intérieurs des murs et l’isolation par l’extérieur des terrasses végétalisées tout en ménageant la rupture des ponts thermiques au droit des vitrages.

Le projet profite également d’un chauffage au sol et d’une ventilation double flux mais c’est bien grâce à l’inertie du béton et à une conception bioclimatique en parfaite concordance avec le site qu’est assuré le confort de cette résidence exposée au souffle brûlant de l’été comme aux pluies de l’hiver.

Depuis l’intérieur, le panorama s’offre par des ouvertures tour à tour vastes comme des écrans géants, ou cadrées comme des plans fixes.
Depuis l’intérieur, le panorama s’offre par des ouvertures tour à tour vastes comme des écrans géants, ou cadrées comme des plans fixes.

Reportage photos : Cyrille WEINER

Maître d’ouvrage : privé – Maître d’œuvre : Pascal Grasso architectures – BET structure et façades : Arcora – Entreprise générale : Léon Grosse – Surface : 440 m2 SHON – Coût : non communiqué – Programme : maison individuelle, 10 chambres avec salle de bains, buanderies, réserves, rangements, cuisine ouverte, salle à manger, séjour, salon d’été, piscine, garages.



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