Localisation, caractéristiques du chantier et du marché

Le viaduc de Volesvres est situé sur la commune de Volesvres dans le département de Saône-et-Loire et permet à la RN 79 – RCEA le franchissement de la rivière « Bourbince », de la route départementale 974 et du canal du Centre.

Dans le cadre de la mise à deux fois deux voies de la RN 79, l’ouvrage initial a été doublé par un pont de type « caisson mixte » de hauteur constante, à 5 travées continues de 32, 40, 50, 52, et 32 m de portées en allant de Digoin vers Mâcon.

Le profil en travers de l’ouvrage comprend deux voies de circulation et une BAU, pour une largeur utile de 9,75 m.

Les culées C0 et C5 sont constituées d’un sommier de 1,20 m d’épaisseur, fondé profondément sur deux files de pieux verticaux en béton armé, coulés en place et de 1,20 m de diamètre.

Les piles, constituées d’un fût hexagonal de 2,60 m d’épaisseur surmonté d’un chevêtre architecturé de 2,50 m de hauteur, ont le même mode de fondation que les culées.

Les fondations profondes de certaines piles ont été exécutées à l’intérieur de batardeaux, compte tenu de la nature des terrains en surface et de la présence de la nappe phréatique.

La charpente métallique du tablier est constituée d’un caisson ouvert de 1,69 m de hauteur, dont les âmes sont inclinées (entraxe variant de 3,45 m à 4,65 m), pour un encombrement total en largeur de 5,45 m.

Le hourdis supérieur est constitué par une dalle en béton armé d’environ 30 cm d’épaisseur moyenne.

La charpente métallique a été mise en place à la grue, au moyen de palées provisoires.

Le hourdis béton a été coulé en place par plots d’environ 40 m3, avec un phasage ayant consisté à couler en dernier les zones sur piles (pianotage).

Une durée d’utilisation du projet de 100 ans a été considérée.

Pour ce qui est des bétons, ont été pris en compte :

  • le niveau C de prévention vis-à-vis de la réaction Alcali-Silice ;
  • le niveau de prévention Ds vis-à-vis de la réaction Sulfatique Interne pour les pieux et semelles de fondation et le niveau de prévention Cs pour les autres parties de l’ouvrage ;

La classe de gel modéré et un salage très fréquent pour la voie portée.

Le marché a été attribué au groupement d’entreprises CBR-TP (mandataire), SNCTP et IOA Construction  pour un montant d’opération de 4 M€ HT et un délai de réalisation de 24 mois. Les bétons ont été fournis par la société Béton Contrôlé Montceau Le Creusot (BCMC), centrales de Gueugnon et de Blanzy.

Une approche performantielle en complément d'une approche prescriptive classique

La Direction Interdépartementale des Routes Centre-Est souhaite faire évoluer la prescription des bétons d’ouvrages d’art de l’approche prescriptive actuelle à l’approche performantielle, en raison de ses missions d’exploitant d’un réseau routier avec une logique de recherche de la plus grande durée d’utilisation des ouvrages avec le moins d’interventions de maintenance possible.

Elle a souhaité appliquer la démarche « approche performantielle » de façon non contractuelle, en complément d’une approche prescriptive classique, à l’occasion de la construction de l’ouvrage de doublement du viaduc de Volesvres.

Applicabilité sur des formulations béton classiques en OA

Le Département Laboratoire d’Autun (DL Autun) du CETE de Lyon a proposé à l’IFSTTAR, dans le cadre du groupe « Innovations OA » du Réseau Scientifique et Technique du MEDDE, de tester sur ce chantier l’application des Recommandations provisoires du LCPC de mars 2010 « Maîtrise de la durabilité des ouvrages d’art en béton – Application de l’approche performantielle » sur les quatre principales formulations de béton :

  • fondations profondes : C 30/37 XC2/XA1 ;
  • semelles, murs de front des culées, fûts des piles : C 30/37 XC4/XF1 ;
  • hourdis : C 40/50 XC4/XF1 ;
  • longrine d’ancrage des BN4, bordures, solins d’ancrage des joints de chaussée : C 35/45 XC4/XF4/XD3.

Il s’agissait de permettre un retour d’expérience sur le caractère applicable des recommandations provisoires du LCPC, sur la dispersion des résultats d’essais, sur la possibilité de respecter les seuils préconisés..., pour des formulations de béton « classiques » en ouvrage d’art.

En outre, l’IFSTTAR a souhaité que soit mise en œuvre une instrumentation par capteurs de corrosion dans certaines parties en béton armé de l’ouvrage.

Le DL Autun s’est ainsi rapproché du Laboratório Nacional de Engenharia Civil (LNEC) de Lisbonne, partenaire de l’IFSTTAR, et lui a demandé de l’aider à définir un système de surveillance de la corrosion à installer pendant la construction de l’ouvrage.

Compte tenu du caractère non contractuel de l’approche performantielle des bétons sur ce chantier, le DL Autun a cherché à impliquer avant le démarrage des études de formulation des bétons les principaux acteurs du chantier et a également associé la profession (SNBPE, Cimbéton et ATILH).

Face au retour unanimement favorable pour cette démarche innovante, le DL Autun a proposé un plan de contrôle pour les différentes formulations de béton, se conformant aux préconisations des Recommandations provisoires du LCPC et basé sur le planning général prévisionnel des travaux hors intempéries de l’entreprise.

Ce plan de contrôle faisait intervenir majoritairement les DL Autun et DL Clermont-Ferrand du CETE de Lyon et associait les laboratoires Lafarge LCR et CTG Calcia pour des essais complémentaires ou contradictoires :

  • porosité accessible à l’eau (Peau), essais réalisés par les 4 laboratoires ;
  • perméabilité au gaz (Kgaz), essais réalisés par le DL Clermont-Ferrand (azote) et les deux laboratoires  cimentiers ;
  • résistivité électrique (ρ), essais réalisés par les DL Autun, DL Clermont-Ferrand et Lafarge LCR ;
  • coefficient apparent de diffusion des ions chlorures (Dapp) : essais réalisés par le DL Clermont-Ferrand.

En outre, Lafarge LCR a réalisé des essais de carbonatation accélérée en laboratoire et des essais de carbonatation naturelle en conditions abritées ou non sur le site de l’ouvrage et sur un autre site.

Il s’agissait pour les 4 laboratoires de consolider ou d’initier leur pratique des essais de l’approche performantielle des bétons en se basant sur les modes opératoires d’essais définis à l’annexe 1 des Recommandations du LCPC : « Modes opératoires simplifiés : Résistivité électrique et migration des ions chlorure sous champ électrique. Porosité à l’eau. Perméabilité au gaz Cembureau ».

Pour s’assurer de pratiques les plus homogènes possibles entre les 4 laboratoires, le CETE de Lyon a établi un document complémentaire « modes opératoires communs ».

Les 4 formulations de béton ont donc fait l’objet d’une caractérisation par les essais de l’approche performantielle, initiée lors des épreuves de convenance et poursuivie pendant toute la durée de mise en œuvre des bétons sur le chantier.

Interprétation des principaux résultats 

Du point de vue de l’approche prescriptive contractuelle, les 3 premières formules de béton (pieux, appuis et hourdis) sont conformes.

Vis-à-vis de l’approche performantielle :

  • les valeurs de porosité accessible à l’eau dépassent les seuils des Recommandations provisoires du LCPC (jusqu’à + 1,3 % en valeur absolue pour les bétons « CEM I » et jusqu’à + 3,5 % en valeur absolue pour le béton « CEM III ») ; cela s’explique vraisemblablement par le mode opératoire pratiqué pour ces mesures, avec une étape de saturation sous vide du béton de durée de 72 heures au lieu de 48 heures.

NOTA : les seuils de porosité accessible à l’eau préconisés par les Recommandations provisoires du LCPC sont vraisemblablement cohérents avec le mode opératoire antérieurement pratiqué (durée de la phase de saturation sous vide au moins 2 fois plus courte).

En complément pour les mesures de porosité accessible à l’eau :

  • les porosités à 90 jours mesurées sur les 4 bétons sont « du même ordre de grandeur », avec cependant des valeurs plus importantes (environ + 1 %) mesurées sur le béton « CEM III » :
    • CEM I : porosités mesurées de 13,6 % à 15,7 % ;
    • CEM III : porosités mesurées de 14,5 % à 16,5 % ;
    • a dispersion des résultats au sein d’un même prélèvement est faible (inférieure à 3 % en valeur relative dans la quasi-totalité des cas) ;
    • les écarts-types des mesures réalisées par le DL Autun sont faibles (0,6 % en valeur absolue maxi) ;
    • les écarts entre laboratoires sur essais contradictoires sont la plupart du temps inférieurs à 1 % en valeur absolue (et dans tous les cas inférieurs à 10 % en valeur relative) ;
    • n les valeurs de perméabilité au gaz satisfont aux seuils des Recommandations provisoires du LCPC ;
    • les critères de conformité à 28 jours (épreuve de convenance, épreuve de contrôle) sont toujours vérifiés.

En complément pour les mesures de résistivité électrique :

  • la résistivité électrique est plus faible pour les bétons CEM I (< 200 voire à 100 ohm.m) que pour le béton « CEM III » (plutôt comprise entre 200 et 400 ohm.m) ;
  • la dispersion des résultats au sein d’un même prélèvement est assez importante (généralement inférieure à 20 % en valeur relative) ;
  • les écarts-types des mesures réalisées par le DL Autun sont généralement de l’ordre de 10 % en valeur relative ;
  • les écarts entre laboratoires sur essais contradictoires sont du même ordre de grandeur.

Du point de vue de l’approche prescriptive contractuelle, la 4e formule de béton (longrines XF4, XD3 G+S) est conforme (à l’exception du critère « G » : facteur d’espacement des vides d’air supérieur à 200 μm mais proche de 250 μm).

Vis-à-vis de l’approche performantielle, en considérant la classe d’exposition XD3 associée à la classe XF4, les valeurs de porosité accessible à l’eau, de perméabilité au gaz et de coefficient de diffusion apparent des ions Cl- ne satisfont pas aux seuils des Recommandations provisoires du LCPC.

Ce constat doit faire réfléchir aux conséquences des pratiques françaises actuelles de formulation des bétons « G+S » pour les éléments en béton armé exposés aux sels de déverglaçage. En privilégiant la résistance au gel interne et à l’écaillage du matériau béton, on s’expose de façon importante au risque de corrosion des armatures passives internes, bien que les règles de bonne conception conduisent à retenir des valeurs d’enrobage importantes, mais rarement et raisonnablement jamais supérieures à 5 cm.

Perspectives de développement

La mise en œuvre de l’approche performantielle des bétons sur le chantier du viaduc de Volesvres a montré que les principes généraux des Recommandations provisoires du LCPC étaient adaptés (il est cependant nécessaire d’accumuler de l’expérience) et a permis d’identifier plusieurs pistes pour une future révision du document.

Il est indispensable de fiabiliser les modes opératoires d’essais : l’annexe des Recommandations provisoires du LCPC est désormais complétée par les normes :

  • NF P18-459 Porosité accessible à l’eau (mars 2010) ;
  • XP P18-463 Essai de perméabilité au gaz (novembre 2011) ;
  • XP P18-462 Coefficient de diffusion apparent des ions chlorures (juin 2012).

Il sera nécessaire de recalculer les incertitudes d’essai, en particulier pour les mesures de résistivité électrique et de perméabilité au gaz.

Il a été identifié comme étant la principale difficulté d’application certaines valeurs trop contraignantes des seuils admissibles de porosité accessible à l’eau en application du mode opératoire des Recommandations provisoires du LCPC.

Ce retour d’expérience est d’ores et déjà pris en compte dans le projet de révision du fascicule 65 du CCTG relatif à l’exécution des ouvrages en béton.

Il conviendra ainsi d’affiner les seuils proposés par les recommandations en se calant sur davantage de résultats et en visant un optimum économique :

  • influence des modes opératoires d’essais (porosité accessible à l’eau : durée de saturation sous vide) ;
  • influence du type de ciment (CEM I /CEM III)...

Il semble également souhaitable de préciser les conditions de réception (interprétation des épreuves de contrôle) : critères de conformité intégrant une dispersion maximale admissible des résultats au sein d’un même prélèvement, critères applicables aux valeurs individuelles, aux valeurs moyennes.

Pour une bonne adhésion des acteurs, une information préalable sur la mise en œuvre de la démarche d’approche performantielle des bétons s’est révélée indispensable.

L’approche performantielle des bétons doit permettre une « nouvelle donne » pour le couple « entreprise/fournisseur de BPE », dans une logique « gagnant-gagnant ».

Il faudra trouver, collectivement, des pistes pour favoriser l’optimisation technico-économique et environnementale des formules de béton.

Il est indispensable d’anticiper pour assurer la gestion des délais sur chantier (durée de murissement du béton de 90 jours préalable à la mesure des indicateurs de durabilité) et la meilleure solution semble être le développement du recours à des formules régionales préqualifiées.

Il est enfin nécessaire de développer le nombre de laboratoires capables de réaliser les essais.



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